Ce fut un véritable séisme ce 03 juin 2004 dans le monde entier. En effet, il y a exactement vingt ans, le 3 juin 2004, une rumeur folle secouait le Cameroun : le président Paul Biya était annoncé mort. Cette fausse nouvelle, qui s'était répandue comme une traînée de poudre, avait plongé le pays dans la stupeur et l'incertitude. Le président, connu pour sa discrétion, avait fini par réagir de manière mémorable, en lançant un défi à ses détracteurs : « Rendez-vous dans vingt ans pour mes obsèques ».
Que s'était-il passé ?
François Soudan, journaliste de renom, avait relaté ces journées chaotiques dans les colonnes de Jeune Afrique. Selon son récit, les heures qui suivirent la diffusion de cette rumeur furent marquées par une confusion générale. Les spéculations allaient bon train, et les appels à la confirmation officielle se multipliaient. Le silence initial du palais présidentiel n’avait fait qu’alimenter les soupçons et les théories les plus farfelues.
Paul Biya, alors en poste depuis plus de vingt ans, avait su retourner la situation à son avantage. En répondant à la rumeur avec une pointe d'ironie et de défi, il avait non seulement affirmé sa présence, mais aussi sa capacité à déjouer les tentatives de déstabilisation. Cette réplique cinglante avait mis un terme aux spéculations et avait consolidé son image de dirigeant inébranlable.
Deux décennies plus tard, le président Paul Biya est toujours à la tête du Cameroun, prouvant ainsi que les rumeurs de sa mort étaient grandement exagérées. Son long règne, marqué par des périodes tumultueux, témoigne de sa résilience face aux défis internes et externes.
La date du 3 juin reste gravée dans la mémoire collective des Camerounais comme le jour où une fausse nouvelle avait failli semer la panique dans tout le pays. Aujourd'hui, elle rappelle également la ténacité d'un président qui, malgré les épreuves, continue de diriger son pays avec une poigne de fer, entouré bien-sûr de clans qui se font la guerre en interne.
Découvrez ci-dessous, le récit du journal le Temps le 08 juin 2004 :
« Depuis jeudi, tout le Cameroun a le regard tourné vers Genève. Le démenti officiel formulé dimanche n'y a presque rien changé: la rumeur colportant la mort du président camerounais Paul Biya, alors qu'il séjournait dans la ville du bout du Léman, persiste. Dans son pays, où l'annonce s'est répandue en 24 heures, c'est le choc. «La situation est relativement calme, même si, par précaution, beaucoup de clients sont allés vider leurs comptes dans les banques et font des réserves alimentaires», raconte Pius Njawe, directeur du Messager, un journal indépendant édité à Douala.
Le président camerounais serait bel et bien vivant. Contacté par Le Temps, le service du protocole camerounais qui accompagne Paul Biya en Suisse assure que «le président va très bien». Le chef d'Etat, au pouvoir depuis 21 ans, est arrivé à Genève le 29 mai «pour un séjour à titre privé». Il loge à l'Hôtel Intercontinental avec sa suite.
«Rumeurs malveillantes»
Mais les Camerounais veulent voir pour croire: «S'il est vivant, pourquoi ne se montre-t-il pas à la télévision, s'interrogent des expatriés de Genève. Ce serait le meilleur moyen de faire taire cette rumeur.» «C'est à lui de décider s'il veut ou non apparaître à la télévision, indique Dieudonné Bina, membre de l'entourage de Paul Biya. De toute façon, poursuit-il, le président rentrera au Cameroun avant la fin de la semaine pour inaugurer samedi à Kibrit, avec son homologue tchadien, le pipeline qui unit nos deux pays.» A ceux qui mettent en doute les déclarations officielles camerounaises, la voix du Département fédéral des affaires étrangères tente à son tour de convaincre: «Plusieurs sources différentes nous ont informés que Paul Biya séjourne à Genève et qu'il est vivant», affirme son porte-parole, Daniela Stoeffel.
Comment cette rumeur est-elle donc née? Pius Njawe pense que c'est le départ précipité du président qui a éveillé des soupçons. Issu de l'ethnie beti et âgé de 71 ans, le chef d'Etat camerounais souffrirait d'un cancer de la prostate. Un secret qui a valu dix mois d'emprisonnement au journaliste du Messager pour l'avoir dévoilé en 1997. «Il est parti avec un avion privé, ce qui ne lui arrive quasiment jamais, et sa famille l'a rejoint plus tard», raconte Pius Njawe.
Au Cameroun, dans les milieux introduits, on dit que la santé du chef de l'Etat se serait aggravée. Il n'est apparu qu'une quinzaine de minutes lors de la fête nationale, le 20 mai dernier. S'il effectue de nombreux séjours en Europe, particulièrement en Suisse, ce serait pour des affaires privées et pour y suivre des traitements médicaux. Il passe près de quatre mois par an à l'étranger. «Officiellement, ce sont des séjours brefs, mais il y reste chaque fois près d'un mois», souligne Pius Njawe. Le journaliste camerounais se demande si la rumeur n'a pas été lancée par le gouvernement pour évaluer, à quelques mois de l'élection présidentielle, le degré de sympathie pour Paul Biya.
Selon les autorités camerounaises, «ces rumeurs malveillantes ont été répandues dans le but de semer le désarroi et le doute dans l'esprit et le cœur des Camerounais.» »