Au lendemain du coup d'Etat manqué du 06 avril 1984, plusieurs généraux de l'armée camerounaise se sont attribués la réussite de mise en déroute des assaillants. Le feu général Benoit Asso'o Emane de son vivant avait déclaré dans Les Cahiers de Mutations que le Général Pierre Semengue n'avait pas dit la vérité dans son récit. Il dit être le cerveau de l'opération qui a sauvé le président Paul Biya. Dans son récit, on apprend comment les forces mystiques ont influencé la reconquête du pouvoir.
Quand je rentre dans ma chambre, je vois deux blindés qui se dirigeaient vers ma maison: un venant du côté du domicile du Général Semengue, l'autre venant du domicile du président de l'Assemblée nationale. Quand les deux chars s'arrêtent, ils pointent leurs canons vers ma maison et je dis à ma femme "Nous sommes morts!"
Les gars savaient que je me trouvais dans cette chambre là. Ils savaient que c'était là qu'il fallait absolument frapper. Ils ont donc commencé à tirer sur la maison. Ma femme et moi nous sommes réfugiés dans des coins différents de la chambre que j'ai appelée par la suite "la chambre de Dieu". Pendant une heure, ma maison a été bombardée. J'ai demandé à ma famille de ne pas dire où je me trouve parce que c'est moi qu'on cherche. Car si on me tuait, le pouvoir aller tomber. Je suis donc rentré dans les douches. Et Dieu seul sait que moi, je suis originaire d'une zone de pygmées. J'ai été obligé d'employer des méthodes qu'on nous apprend au village et qu me rendent invisible.
Lors que les gars sont arrivés, la première question qu'ils ont posée était :" Où est le colonel?" Mon fils Bernard leur leur a dit que je n'étais pas là, que j'étais déjà avec eux sur le terrain. Ils ont ensuite dit : " Debout!" Mon frère ainé qui devait être évacué en France pour se faire opérer leur a répondu : "Moi je suis malade". Puis j'ai entendu :"Mettez-vous sur la route" J'ai dit "ça y est ils vont les tuer!"/ Ace moment-là je me suis couché dans la douche. J'ai dit à Dieu : "C'est toi qui a donné le pouvoir au président Biya, Ahidjo n'a éré qu'un relais, maintenant que nous devons mourir entre tes mains, Dieu je te remets mon destin!". Ils ont tiré sur la maison et comme par miracle rin n'est tombé sur moi, aucune caillasse. Les débris tombaient entre mes genoux. Après une heure de tirs, le froid du ciment m'a endormi. J'ai été projeté dans mon village. J'ai trouvé ma mère, décédée en 1973, débout sur la tombe de mon père. Elle m'a dit : " Mon fils, tu vas gagner ce combat". Lorsque je me suis réveillé, il faisait une chaleur de tonnerre ce jour-là. Je n'ai plus entendu de bruit.
Je suis sorti et j'ai mis une cartouche dans mon pistolet. Je vous signaler qu'il ne me restait que neuf cartouches. Je suis descendu pour aller reconquérir le quartier général. Je tombe sur mon frère cadet qui revenait, sur mes instructions, de Sangmélima où on lui avait remis 36 grenades. Quand il m'a vu, il s'est mis à pleurer. Je lui ai dit : "ce n'est pas le moment de pleurer, je suis liber et à partir de maintenant" je commence la guerre.