• Ruben Um Nyobe est resté dans la mémoire collective
• Il avait des idées qui n’enchantaient pas ses détracteurs
• Le Camerounais a été assassiné pour ses idées
Ruben Um Nyobe est l’une des premières personnalités politiques à revendiquer l'indépendance du Cameroun en Afrique francophone, et l'unification des parties orientales (sous tutelle française) et occidentale (sous tutelle britannique). Mardi le 13 août, la date de son décès, le journaliste camerounais Michel Biem Tong lui rend hommage.
Il y a 64 ans, Um Nyobe mourrait pour rien
13 septembre 1958-13 septembre 2022. 64 ans déjà qu’Um NYOBE a été assassiné par l’armée coloniale française dans son village Libelingoï (près de Boumnyebel) après plusieurs semaines d'une traque assidue.
Après l’avoir tué, les colons ont exposé son corps au village Liyong, histoire de faire peur aux populations, alors majoritairement acquises aux idéaux de l’Union des populations du Cameroun (UPC), le parti nationaliste.
Cette méthode ubuesque et d’un cynisme moyenâgeux a été reconduite par l’armée camerounaise dans la lutte contre les indépendantistes anglophones du Southern Cameroons-Ambazonia. Mais passons.
Tué par la France ? Assurément, mais pas seulement. Um NYOBE a aussi été tué par des « pied-noir », ces traîtres de l’intérieur, en pays basaa, qui n’ont pas hésité à prendre le parti du colon pour annihiler les espoirs de liberté du peuple camerounais.
C’est Pierre Dimala, homme politique fabriqué par la France pour faire concurrence au charismatique Um mais qui au finish était de faible épaisseur. C’est Mayi Matip qui, bien qu’il est jusqu’ici difficile de démontrer qu’il a trahi Um NYOBE, s’est rallié au régime despotique et fantoche d’Amadou Ahidjo quelques mois après l’assassinat du « Mpodol ».
En avril 1959, il a été élu député de l’UPC avec à la clé un rôle décoratif dans la démocratie de façade mise en place au Cameroun par Paris à l’époque. C’est Bitjoga Jacques, le chef d‘une milice créée par les Français (un peu comme les faux Ambas Boys du régime Biya en zone anglophone), qui s’enorgueillissait d’avoir ég.or.gé des centaines de camerounais soupçonnés de sympathie envers l’UPC et ses leaders.
Um Nyobe a été tué. D’autres leaders de l’UPC tels Ernest Ouandié, Abel Kingue, Ossende Afana et Félix Moumié l’ont suivi dans l’au-delà et ainsi est mort l’esprit de révolte au Cameroun. Mort est également l’esprit de sacrifice pour une cause immatérielle et de résistance à l’ordre établi.
Aujourd’hui, les hommes politiques camerounais de l’opposition font des mains et des pieds pour s’asseoir à la table et manger avec Paul Biya. Aujourd’hui, d’autres tiennent à participer à des élections présidentielles frauduleuses organisées par le dictateur Biya avec la bénédiction de ses parrains français.
Pourtant, l’UPC avait boycotté l’élection législative du 23 décembre 1956 car, contrôlée par le Haut-commissaire français Pierre Mesmer, elle allait consacrer l’émergence d’une élite locale marionnette et garante des intérêts de Paris au Cameroun.
Que dire du Camerounais lambda ? Ecrasé par une dictature criminelle et sauvage, appauvri par une famille présidentielle corrompue, prédatrice, semi-lettrée, villageoise, arrogante et arriviste, l’homme camerounais n’a plus que de la débrouillardise pour vivoter, de l’alcool pour se donner l’illusion du bien-être et les églises réveillées pour se convaincre que sa situation et celle que traverse le pays sont voulues par Dieu et non par le dieu d’Etoudi.
Pourtant, s’il a de la peine à se nourrir, à étancher sa soif, à se vêtir, à envoyer ses enfants à l’école, c’est bien parce que Paul Biya, Chantal Biya, Franck Biya, Bonivan Assam Mvondo, Pierre Meba, Patrick et Franck Hertz (les jumeaux de Chantal Biya), leurs familles, leurs amis occidentaux et leur machine à réprimer toutes les voix dissidentes (police, gendarmerie, armée, renseignement) ont tout pris, ne lui laissant que des miettes.
Appelé à résister dans la rue contre cette oppression, l’homme camerounais vous dira qu’il veut voir ses enfants grandir. Et si Um NYOBE avait dit la même chose ? Ce qui est tout au moins sûr est qu’au regard de la passivité (d’aucuns parleront de lâcheté), de la résignation de l’homme camerounais face à l’impitoyable Biyacratie qui l’a vidé de son être, les proches de Ouandié, Moumié et autres Um NYOBE pensent que ces derniers se sont sacrifiés inutilement et qu’ils auraient mené une vie ordinaire qu’ils seraient en train de « voir grandir leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants ». Um NYOBE est vraiment mort pour rien !