La mésaventure de Philippe Yacé était la preuve palpable d'une succession impopulaire et inexpérimentée". Ces cas de figure sont connus de Paul Biya. Il n'y a pas deux présidents au Cameroun. Le pouvoir ne se partage pas. Ni au Gabon, ni au Bénin. Cela dit, à quel type d'homme pourrait correspondre le troisième président du Cameroun tel que le concevrait Biya ?
Certains critères sont pris en compte dans les sélections hypothétiques dressées par les parieurs politiques. De toute évidence, le successeur sortira du cercle des biyaïstes. Le choix de Biya ne sera possible que dans cet entourage très réduit comme dans l'hypothèse ivoirienne. Toutefois, il ne faut pas exclure totalement l'émergence d'un outsider non programmé dans les pronostics politiques.
Le successeur de Paul Biya n'appartient pas forcément à la kyrielle de ministres et à l'élite politique qui, comme on l'a dit, fait partie de la génération Biya, autrement dit, « ceux qui n'étaient pas grand-chose sous Ahidjo et qui doivent tout à Biya ». Cependant, cette assertion n'exclut pas toute méfiance. L'expérience des autres chefs d'État est connue de Biya, dans l'art de se méfier même de ses propres produits fabriqués par lui-même. Dès lors qui succèdera au successeur d'Ahidjo?
Léopold Sédar Senghor, que cite Omar Bongo dans l'ouvrage Confidences d'un Africain, avait lui aussi appris à se méfier de son entourage, surtout de ceux qui semblaient exhiber leur fidélité suspecte. Senghor était bien avisé des coups que fabriquaient ceux qui prétendaient obéir sans condition aux chefs d'État. Plusieurs présidents ont leurs petites idées sur ces questions de succes- sion. Senghor évoquait sa mésaventure:
« J'avais un président du conseil qui s'appelait Mamadou Dia. Je l'ai préparé afin qu'un jour il puisse me succéder. Au lieu de se montrer patient, il m'a envoyé les gendarmes pour m'arrêter. Il a fomenté un coup d'État ».
Le président gabonais est lui aussi un homme averti. Il a connu les affres des violences qui ont secoué le Gabon en 1990, pendant les revendications de la conférence nationale. Il connaît par cœur les appétits de l'entourage :
« Je dis que nos successeurs supposés doivent être patients, à la hauteur des responsabilités auxquelles ils prétendent. J'en ai des tas de dauphins ! Mais vous avez beau avoir une préférence pour un homme, pressentir qu'il a les qualités requises pour vous succéder (...) On prendra plusieurs dauphins, et on choisira le meilleur, le moment venu. Mais il faut du caractère. Il faut aussi accepter l'impopularité pour diriger un État...»
Paul Biya fait partie de cette classe de présidents pour qui l'adage « le chien aboie, la caravane passe » garde une valeur en politique. Biya certainement choisirait bien un successeur qui ne fait pas l'unanimité. Que l'on s'y attende...
Biya pourrait donc penser à un biyaïste qui a quelques années de gouvernement ou de classe politique. Un homme dont l'âge oscille entre 45 et 55 ans.