« Vous ne pouvez pas entrer », dit le vigile à une femme. « Et pourquoi ? », demande-t-elle tenant entre les mains une enveloppe A3 de couleur blanche. « Le personnel est en grève. Vous pouvez le constatez-vous-même », lui répond le vigile. D’un air inquiet, la femme rebrousse chemin. Il est 10 h passées d’une dizaine de minutes. Bistouris, stéthoscopes sont remplacés ce matin par des pancartes expressives. L’ambiance est inhabituelle au Centre des Urgences de Yaoundé (Cury). Les activités sont aux arrêts. « Nous sommes fatigués », « On veut le matricule », entend-on crier le personnel en service dans cette formation sanitaire.
Vêtus de blouse et de chapeaux de couleurs bleus, ces agents de santé sont en détresse ce lundi 22 mai 2023. Assis à même le sol devant le Cury, les regards larmoyants, infirmiers, aides-soignants, hygiénistes expriment leurs ras-le-bol. « Contractualisez nous svp », « 09 ans de faux espoir de contractualisation, trop c’est trop », « M. le président au secours », « Trop c’est trop. 09 ans d’esclavagisme et de torture. Nous sommes fatigués », lit-on sur ces morceaux de contreplaqué. Ces quelques messages renvoient aux différentes revendications de ce personnel qui se dit marginalisés depuis 2015, date de l’ouverture dudit centre. « Nous revendiquons notre contractualisation qui nous a été promise depuis l’ouverture du Cury. Rendu à ce jour, rien n’a été fait. Nous sommes marginalisés. Depuis 09 ans de travail, aucun de nous n’est affilié à la Cnps. Nous voulons juste rentrer dans nos droits », confie tout en colère Brice Ngah, le porte-parole du mouvement de grève. Et de poursuivre : « Après plusieurs réunions tenues avec le directeur du Cury, nous n’avons pas obtenu des réponses favorables. Nous avons été nargués. Nous voulons faire connaître notre martyr ». Une situation qu’un de ses personnels qualifie d’infection financière comme on le lit sur la pancarte entre ses mains: « 09 ans d’infection financière et morale. Tueur d’espoir ». Tête baissée, mains sur le cou, une jeune femme crie à l’aide : « On ne savait pas que c’est comme que vous alliez faire. Nous avons vaincu le Covid-19. Aujourd’hui, nous devons aussi nous battre pour avoir des meilleures conditions de travail ». Un autre déclare : « un infirmier en détresse est plus dangereux qu’un militaire en guerre ». Des mots qui traduisent à suffisance le mal – être de ce personnel de santé.