• Paul Biya est né en 1933
• Il est frappé par le poids de l’âge
• Armand Noutack II imagine les choses auxquelles le président pense
Le militant du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), Armand Noutack II s’est "immiscé" dans la tête et l’esprit du président du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), Paul Biya. A l’âge de quatre-vingt-neuf (89) ans, il essaie de voir à quoi pense le chef de l’Etat lorsqu’il se lève le matin. Armand Noutack II lui a consacré une tribune intitulée « Dans la "tête" du président Paul Biya ».
Parfois je m’interroge, à 90 ans, à quoi peut bien penser le président Paul Biya lorsqu’il quitte son lit chaque matin ?
Lorsqu’il se retrouve seul dans son jardin ou dans son bureau au palais ? Certainement, il se souvient de ses 49 ans, de cette époque où toutes les femmes camerounaises étaient « amoureuses » de lui, de l’époque où on l’appelait chaud gars, un homme élégant, il se souvient de l’espoir, oui cet espoir que les camerounais avaient placé en lui en 1982, un jeune frais, propre, fin, intelligent.
• Il doit se souvenir de ce coup d’État manqué du 6 avril 1984. Il se souvient de la crise économique et de ses déboires avec le FMI,
• Il se souvient qu’il a écrit un livre (certains disent que Sengat Kuoh l’a écrit pour lui), mais bon c’est lui l’auteur que je connais… Ce livre était intitulé « pour le libéralisme communautaire », une politique économique et sociale qui n’a jamais été véritablement implémentée sur le terrain,
• Il se souvient des années 90 avec la réouverture démocratique, il se souvient que certains de ses partisans ont marché contre le multipartisme, et que certains de ceux qui ont marché contre ce multipartisme sont devenus des opposants après,
• Il se souvient de la ferveur populaire de ce 25 Mars 1985 à Bamenda, où vit le jour son parti, son bijou, le RDPC, ex UNC,
• Il doit se rappeler de la conférence tripartite, de cette période où il était à un doigt de perdre son pouvoir,
• Il doit se souvenir de cette constitution presque parfaite promulguée par lui-même le 18 janvier 1996, alors qu’il savait certainement qu’il n’allait pas respecter son application intégrale,
– oui le président doit certainement se souvenir de ses nombreux et coûteux courts et longs séjours privés en Suisse,
• Le président pense certainement à ses 40 gouvernements formés en 40 ans de pouvoir,
• Le président doit certainement penser aux milliers de milliards détournés par ses proches, des gens qu’il a nommé en 40 ans de règne,
• Il doit certainement se souvenir des milliers de camerounais morts pendant son règne, à Nsam, Nyos, Esaka, dans les inondations à Maga, de famine au septentrion,
• Le président de souvient certainement de ses nombreux collaborateurs partis pour l’éternité, (parce qu’il est important de préciser qu’en réalité, le président Paul Biya, Niat, Cavaye, Ayang Luc du conseil économique et social, Nkueté, Atangana Clement…, sont les seuls encore en vie de cette époque de 82, les autres qui gèrent là sont arrivés bien après).
_ le président doit certainement remonter plus loin dans ses souvenirs pour revoir cette interview donnée à une télévision étrangère où il disait qu’il voudrait qu’on garde de lui l’image de l’homme qui a apporté la démocratie et la prospérité au Cameroun…
Le président doit se souvenir de l’affaire Bakassi où pendant des mois, avec son collègue nigérian Obasanjo et le feu Koffi Annan ils étaient des stars mondiales, cités en exemple partout dans le monde, avec à ses côtés son ministre délégué à la justice le professeur Maurice Kamto,
Il doit se souvenir de la crise sociale de 2008, qu’il a confondu en crise politique accusant ses opposants « apprentis sorciers » de vouloir arracher son pouvoir…
Et aujourd’hui, il se pose certainement une question : au soir de ma vie, au bout du parcours, qu’est-ce qui n’a pas marché ?
• pourquoi la crise anglophone ?
• pourquoi OTS ?
• pourquoi une économie en lambeaux ?
• pourquoi le tribalisme ?
• pourquoi le chômage endémique ?
Pourquoi ces jeunes compatriotes injustement incarcérés alors que la démocratie devait être mon héritage pour la postérité ?
Toutes ces « victoires » sur mes adversaires, tous ces opposants ma*tés parfois avec une brutalité indescriptible, pour quel bilan à la fin ?
Fallait-il absolument mourir au pouvoir ? Et au bout de toutes ces interrogations, certainement des regrets,
Regret d’avoir eu tout ce dont pouvait avoir besoin un président (peuple dynamique, travailleur, pays riche en ressources naturelles), pour un résultat très très en deçà des attentes.
On dit souvent que l’essentiel n’est pas l’entrée, mais la sortie,
Le plus dur n’est pas l’arrivée, mais le départ.
Que retiendra-t-on du président de la République Paul Biya, « l’ancien » chaud gars de 1982 ? Ce jeune homme frais, fin, toujours soigné et posé à l’époque, un « gars » de 49 ans qui incarnait l’espoir de tout un peuple…
Le temps n’a jamais été un allié, le temps est vraiment l’ennemi de l’homme.
Le président Paul Biya doit nous laisser ses mémoires avant de quitter cette terre des hommes, il est à lui seul un livre d’histoire politique du Cameroun post indépendance, il travaille au sommet depuis 1962 !!! Bref un baobab d’histoire, une véritable bibliothèque, ce serait un gâchis de priver les historiens d’une telle « richesse ».