Ernest Ouandié est mort fusillé le 15 janvier 1971 à Bafoussam sous le régime d'Ahmadou Ahidjo. Il est une figure de proue dans la lutte pour l'indépendance du Cameroun au sein de l'Union des populations du Cameroun (UPC). Il est aussi l’un des principaux acteurs de la guerre civile à partir de l'indépendance en 1960 lorsque le parti déclenche une insurrection pour renverser le nouveau régime.
Quelques jours avant son exécution, il a eu un échange avec Jean Fochivé. Le romancier Arol Ketch revient sur ces derniers moments des deux personnalités camerounaises.
Ouandié : Nous sommes quand même ici chez nous, que je le sache. Pendant combien de temps crois-tu que nous continuerons à laisser les Français nous dicter leurs lois sans réagir ?
Fochivé : Ceci durera tant que des hommes comme toi n’auront pas trouvé une stratégie de lutte autre que la violence contre le néocolonialisme
Ouandié : Ce néocolonialisme ne doit son existence et sa force qu’à des gens comme vous
Fochivé : Si ce n’était pas nous, ce serait vous. Ce n’est qu’une question d’idéologie.
Ouandié : Explique-moi un peu votre choix et votre amour pour la France
Fochivé : Cela s’est déjà vu en Afrique, c’est le choix et l’amour de l’esclave pour son maître
Ouandié : Qui s’explique simplement par la peur.
Fochivé : Oui, la peur d’être là où tu es en ce moment
Ouandié : Parce que tu crois que j’ai peur de mourir ?
Fochivé : Tout homme qui se donne une valeur a toujours peur d’une mort inutile. La tienne aujourd’hui ne servirait pas ta cause. Il y a aussi la vie de ces innocents, de jeunes Bamiléké que des illusionnistes comme toi ont embarqués dans cette galère. C’est tout cela qui doit te tourmenter quand tu penses à la mort. Et puis, permets-moi de te poser une question : Crois-tu que si le départ ou la mort de M. Ahidjo était une garantie pour le bien-être des Camerounais ou plus particulièrement des Bamiléké que tu évoques, serait-ce une affaire laissée entre les mains d’un instituteur ? Non, il y a beaucoup d’autres valeurs chez les Bamiléké, des gens qui n’iraient pas au-devant d’un char d’assaut avec de vulgaires fusils de chasse. Avec la mort de M. Um Nyobé, l’UPC était morte. La classe intellectuelle Bassa qui l’animait s’était retirée. Il y avait eu des ralliements et certains avaient préféré s’exiler en Europe. Seuls sont restés dans le maquis des illettrés à l’horizon obscur qui terrorisent, pillent et massacrent des populations innocentes :
Ouandié : Voilà une conversation qui tourne à l’insulte. M’en veux-tu personnellement ?
Fochivé : Oui, et ceci pour deux raisons : j’ai tenté vainement et à l’insu de mes patrons, de t’empêcher d’être où tu es en ce moment. Je t’en veux comme j’en veux à Félix Moumié qui, lui aussi, est mort inutilement. Je vous reproche à tous deux d’avoir mobilisé la dynamique jeunesse de l’Ouest pour l’envoyer à l’abattoir. Vous avez transformé des jeunes désœuvrés en guérilleros sans leur donner les moyens de se défendre. Vous vous êtes laissé tromper et les avez trompés.
Ouandié : Si je suis aussi naïf et minable que tu veux me faire croire, pourquoi donc tout ce tapage médiatique autour de mon affaire ?
Il faut indiquer qu’il s’agit d’un extrait puisé dans le livre, Les révélations de Jean Fochivé, le chef de la police politique des présidents Ahidjo et Biya.