Adamaoua : comment le gouverneur plombe la politique de Paul Biya

Un arrêté portant mutation de certains enseignants à l’origine de la situation.

Thu, 5 Oct 2023 Source: L'Oeil du Sahel

A Ngaoundéré, plusieurs établissements ont rallié le mouvement hier mardi 03 octobre 2023 qui semblait plutôt léger. Et pour cause : «Nos collègues leaders du mouvement OTS ont été redéployés lundi dans les établissements dits de brousse par le gouverneur pour casser ledit mouvement dans sa région. Ceci n’est rien d’autre que de l’injustice et nous considérons cela comme de la provocation», dénonce une enseignante dans un établissement du département du MayoBanyo, région de l’Adamaoua. Aux lycées techniques de Tibati, de Ngaoundéré Mardock, de Ngaoundéré et au lycée bilingue de Ngaoundéré, les enseignants ont décidé de ne pas tenir la craie tant que le gouverneur Kildadi Taguiéké Boukar n’annule pas sa décision prise lundi dernier et qui est considérée par bon nombre d’enseignants comme une sanction au moment où les grévistes disent ne réclamer que leurs droits violés par l’Etat.

Dans ces différents établissements scolaires, les élèves errent dans les enceintes de leurs établissements. «Les enseignants du lycée bilingue de Ngaoundéré sont indignés parce que, pas plus tard qu’hier lundi, le gouverneur de la région de l’Adamaoua, au lieu de chercher à comprendre les enseignants, a décidé de faire muter tous les enseignants OTS dans les brousses. C’est une injustice qu’on ne peut pas laisser passer. Nous demandons l’annulation pure et simple de la mutation de nos collègues OTS de la région. Nous disons non aux intimidations. Dans le cas contraire, que tous les enseignants soient mutés ; c’est mieux parce que, tant que cette décision du gouverneur n’est pas annulée, il n’y aura pas cours», a menacé un enseignant dans une vidéo devenue virale hier.

SUR LE TERRAIN

Le constat effectif de cette manifestation a été fait par nos soins sur le terrain où les enseignants se sont tous regroupés sous un arbre, pour prendre le cas du lycée bilingue de Ngaoundéré. «Depuis le 4 septembre 2023, nous avons relancé le mouvement OTS. Nous sommes aujourd’hui surpris que le gouverneur de l’Adamaoua sorte une note où il affecte tous ceux qui ont décidé de faire le mouvement au niveau de la région. Et il leur demande d’aller rejoindre leurs postes respectifs très éloignés. On dirait que ce que les enseignants réclament n’est pas légitime. C’est pour cette raison que mes collègues et moi sommes réunis ici dans la cour pour leur montrer que le musèlement ne va pas servir. On doit s’asseoir, causer et trouver ensemble une solution définitive afin de remédier à ce problème», témoigne François Moyé du lycée technique de Ngaoundéré Mardock.

Ces enseignants en colère brandissaient des pancartes avec des messages évocateurs. «OTS plus, l’intimidation ne passe pas», «Mutez nous tous M. le gouverneur», «Annulez votre décision», «Un gouverneur qui devrait être à la retraite affecte les profs ?», pouvait-on y lire entre autres. «Cette grève montre aux autorités que ce n’est pas comme ça qu’on résout un problème. Chacun doit faire son travail ; le gouverneur ne peut pas faire ce que les enseignants font. Moi qui vous parle, j’ai un problème d’avancement. Parmi mes collègues-là, il y en a qui ont des problèmes de prise en solde. Il y en a qui ont des problèmes d’allocations familiales. Nous voulons que ces problèmes soient résolus et que le statut spécial de l’enseignant soit signé et appliqué», souligne François Moyé, enseignant au lycée technique de Ngaoundéré Mardock.

C’est dire que, cette décision du gouverneur Kildadi Taguiéké Boukar est aperçue par ces enseignants comme la goutte d’eau ayant débordé le vase. Et, à en croire ces enseignants manifestants, il s’agit tout simplement de l’injustice. «Comme vous l’avez constaté, nous sommes mutés depuis hier par le gouverneur, soit disant une mutation disciplinaire, avec pour seul prétexte que nous sommes des leaders.

Alors que le mouvement OTS n’a pas de leader ; nous sommes tous solidaires. Nous avons décidé de réclamer. La particularité au lycée bilingue de Ngaoundéré c’est que nous venons le matin, nous faisons cours, du moins le service minimum avec des photos à l’appui.

Nous entretenons les élèves une heure sur deux. Grande a été notre surprise de constater que nous sommes mutés en périphérie ou en brousse parce que nous sommes les leaders alors que c’est plus de la moitié de l’établissement, même comme certains collègues ne manifestent pas», fait savoir Jean Pierre Filo Madi, enseignant d’histoire et géographie au lycée bilingue de Ngaoundéré. «Depuis le début de la rentrée, combien de collègues sont décédés sans percevoir leurs rappels d’avancement et autres parce qu’ils sont programmés pour 2025? Nous sommes surpris qu’au moment où nos syndicats sont en train de négocier avec les ministres à Yaoundé, dans la région de l’Adamaoua, c’est le gouverneur, le délégué régional et les proviseurs qui pensent que nous devons être mutés», s’indigne-t-il.

INCOMPÉTENCE ?

En effet, la décision régionale N°397/DR/H/SDG/SG/DAAJ portant redéploiement de certains personnels enseignants relevant du ministère des Enseignements secondaires pour nécessité de service, n’a véritablement pas été bien accueillie par les concernés qui sont un total 27. «Il ne revient pas au gouverneur de muter les enseignants dans ce contexte où tout le pays est au courant de ce qui se passe. Comment on peut nous dire d’une part que nous avons raison, et d’autre part on vient nous mater ? Ce matin il n’y a pas eu cours et c’est parti pour longtemps», réitère Jean Pierre Filo madi. Si le gouverneur de la région de l’Adamaoua s’appuie sur le décret N°2008/377 du 12 novembre 2008, les enseignants quant à eux, ont encore en rappel la décision N°81/21/D/Minesec/SG du 19 avril 2021 annulant toutes les dispositions de l’arrêté préfectoral N°152/AP/JO3/SAAJP du 10 mars 2021 portant redéploiement des personnels enseignants relevant de la Délégation départementale des Enseignements secondaires de la Lékié. Cela survient la veille de la célébration de la journée dédiée à l’enseignant, le 5 octobre

Source: L'Oeil du Sahel