Affaire Bala: la communication de l'Eglise catholique mise en cause

éveques Cameroun Le silence a pesé lourd, très lourd sur la conscience des fidèles catholiques

Thu, 15 Jun 2017 Source: ebugnti

Au lendemain de la publication de la « Déclaration des évêques du Cameroun sur le décès tragique de Mgr Jean-Marie Benoît Bala », il convient de s’interroger sur la façons dont ce drame a été géré. Certains faits interpellent notre Eglise, notamment dans sa manière de communiquer.

Les évêques ont donc finalement pris la parole. Finalement, parce que cela faisait deux semaines que nous les espérions. Il y a certes eu quelques communiqués, un point de presse, mais ils ne disaient point la voix de l’Eglise, parlant d’un de ses princes, face au drame qui tenaillait la communauté et qui s’est progressivement transformé en une vendetta contre cette institution bimillénaire.

Il y avait un réel besoin de dire que « Mgr Jean-Marie Benoît Bala ne s’est pas suicidé ». Il n’était pas acceptable de continuer à laisser envisager une telle hypothèse, au vue des premiers constats.

L’autorité de l’Eglise catholique l’a dit et le peuple des fidèles, quoique toujours aussi profondément meurtris, peut être rassuré. Quant aux pourfendeurs, surexcités, opportunistes et autres profiteurs de cette circonstance funeste, à défaut de prendre peur, ils devraient s’inquiéter de l’état de leur conscience.

Maintenant que l’autorité a dit que l’évêque de Bafia a été « brutalement assassiné», une évidence qu’il eut été difficile de continuer à nier, il convient de ne plus se taire. Car le silence a pesé lourd, très lourd sur la conscience des fidèles catholiques et celle du peuple meurtris par la disparition brutale et dramatique de l’évêque de Bafia.

Il a plongé l’opinion dans le doute. Il a mis en mal des certitudes que la circonstance, bien que malheureuse, auraient dû conforter. Il a servi de grain à moudre à une opinion hostile qui n’en demandait pas tant. Il a nourri la suspicion et entouré la disparition, puis le décès de Mgr Jean-Marie Benoît Bala, d’une présomption de déshonneur là où la prétention légitime était au martyr.

L’on n’aura pas ressenti au sein de l’Eglise, ce mouvement de révolte, cette colère, cette indignation collective et spontanée qui a émané du commun des citoyens. Sans doute une vertu de l’expérience pastorale et spirituelle d’hommes que le quotidien confronte au drame et à la souffrance.

Il faut, à cet effet, rappeler que le silence est d’or et l’Eglise, discrétion. Mais, l’un et l’aura auront joué un bien funeste rôle. Ils auront rendu ce drame encore plus pénible à supporter et le deuil difficile à porter. C’est indéniable que, ce type de situations, personne n’est préparé à les vivre. Pas plus les consacrés que le commun des mortel, ni même l’Eglise, fut-elle celle de Jésus-Christ.

Des témoignages suicidaires …

Mais, pire encore que le silence, certaines prises de paroles auront été catastrophiques d’impact. Elles qui ont abondamment alimenté la thèse du suicide et ont servi de paravent pour le déploiement de toutes sortes de ragots et d’hypothèses, desservant toutes la mémoire d’un mort et l’image de l’Eglise.

La meurtrissure d’un évêque devant le décès brutal d’un de ses prêtres et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agissait ni plus ni moins de son Recteur de Petit-séminaire, ami et confident, en plein préparatifs des examens de fin d’année, dans l’attente des rapports d’admission au Grand-séminaire.

Celui-là même qui chapeautait l’organisation du synode diocésain en préparation. Autant dire une pierre parmi les plus angulaires de l’édifice diocésain.

Cette fébrilité naturelle, qui ne l’eut pas été, hâtivement et innocemment brandie, pour dire de quelle humanité était fait Mgr Jean-Marie Benoît Bala, crédible puisque sortant de la bouche de prêtres, proches et autres collaborateurs, a servi d’alibi à cette sorte de mort avant le décès de l’évêque de Bafia.

Des témoignages, tous de prêtres, disant de quelle faiblesse sont faits tous les hommes, ceux de Dieu compris, emboîtaient le pas aux nombreuses récriminations et accusations de vice qui déferlaient sur les réseaux sociaux et une certaine presse, avec pourtant pour ambition de les contrarier.

Ces excuses et autres « lettres ouvertes », qui auraient sans doute pris sens dans un autre contexte, pour parler à une Eglise et à un peuple qui ont incontestablement besoin de s’entendre dire certaines choses, les ont plutôt mis en position défensive. Elles en ont fait des coupables, des bourreaux, cherchant des circonstances atténuantes à leur délit, là où ils étaient dramatiquement victimes, meurtris.

Les chrétiens catholique ont vu leur souffrance banalisée, leurs pasteurs vilipendés, leur Eglise stigmatisée. Et beaucoup, fidèles et pasteurs, y ont ardemment participé. Très généralement bien malgré eux, par naïveté. Les bonnes intentions des uns se sont trompées d’opportunité. Le magistère de nombre autres s’est égaré sur des préalables mal établis.

Quelques leçons …

Entre les deux, nous avons quelques leçons à tirer. La première, c’est que, de nos vertus, la solidarité est immédiate et le doute secondaire. Le silence est d’or, mais il peut tout aussi être dramatique, coupable et meurtrier.

La parole est d’argent. Elle peut pourtant tout aussi être une arme qui peut se retourner contre l’émetteur. Il faut alors se souvenir qu’elle vaut d’autant plus que celui qui la prend est autorisé.

Enfin, il faut convenir que la Communication a beau ne pas suffire en certaines circonstances, elle est toujours indispensable. Elle est tellement incertaine qu’elle est un art. Et, au 21e siècle et à des moments aussi sensibles que l’assassinat de Mgr Jean-Marie Benoît Bala, elle est en chaque mot, chaque attitude, chaque dire et ses non-dits.

L’heure est donc peut-être venue d’avoir, dans nos diocèses, des porte-parole. Pas simplement des responsables de la communication, ou de l’information qui servent à enregistrer les informations catholiques du dimanche après-midi.

Il s’agit d’intégrer la Communication comme un élément essentiel de l’évangélisation, de la promotion de la foi, et l’image de l’Eglise comme un enjeu fondamental dans cette mission.

Il faut la confier à des professionnels aguerris. Il y en a beaucoup aujourd’hui dans cette église et de tous les états de vie. Des experts qui sauront dire ce qu’il faut pour que nos mots ne nous pèsent pas et ne se retournent contre nous.

Des hommes et femmes capables de conseiller à nos pasteurs le temps, l’opportunité et le sens de la parole à prendre, sans que cela n’altère l’autorité évangélique et ecclésiale dont ces derniers sont les principaux dépositaires.

Source: ebugnti
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