On peut trouver la « Déclaration » des évêques peu incisive, pas assez populiste, vindicative, pas suffisamment colérique, plutôt timorée en rapport avec le drame qui frappe notre Eglise. Surtout quand il s’agit des responsables et des motifs de ce meurtre.
Il faut alors se souvenir qu’il n’est pas dans la nature de l’Eglise de faire scandale, de hausser le ton. La charité étant appelée à aller jusqu’au bout de l’humainement imaginable. Même si la récurrence de certains faits individuels en portent de moins en moins témoignage.
Cette perception serait d’autant plus erronée que le texte de l’épiscopat camerounais contient des termes forts et qu’il embraye sur le sentiment général exprimé par l’opinion à travers les réseaux et la presse, depuis la disparition de Mgr Jean-Marie Benoît Bala.
C’est ainsi qu’il transparaît de la « Déclaration du 13 juin » comme une volonté de ne pas lancer trop hâtivement l’estocade, alors même que la chaîne légale et officielle de production de la vérité sur l’assassinat de Mgr Bala n’a pas rendu son verdict. Mais une certitude de savoir avec exactitude de quoi il retourne.
C’est le sens ce cette petite phrase qui sonne comme une mise en garde, au cas où l’on serait tenté de biaiser cette enquête : « Les évêques attendent en outre les conclusions officielles de l’enquête. » Pour dire que l’épiscopat réserve sa réaction, la vraie, à la conclusion officielle de l’enquête.
Mais il s’agit aussi d’affirmer qu’ils disposent d’éléments permettant de savoir ce qui s’est passé et qu’aucune diversion ni manipulation ne sera tolérée. C’est aussi ce que dit le récapitulatif des macabres assassinats jamais élucidés de « prélats, membres du clergé et personnes consacrées ». Pour dire au système gouvernant qu’il ne peut pas être innocent de la persécution de l’Eglise catholique qui est au Cameroun et donner un visage aux « forces obscures et diaboliques » qui persécutent l’Eglise et dont parlent les évêques. De même, quand les évêques s’adressent « aux assassins », qu’ils « prient pour eux et leur demandent de s’engager dans une démarche de conversion urgente et radicale », il ne s’agit point d’un imaginaire ou d’un absolu.
Un appel à toutes les couches
Les évêques savent exactement qui a fait assassiner Mgr Jean-Marie Benoît. Mais ils ne veulent pas croire que ce soit l’œuvre du système gouvernant tout entier, aussi lu laissent-il l’opportunité de se désolidariser de ces meurtriers.
Ils laissent donc à la Police camerounaise le soin de dire la vérité sur les acteurs, la procédure et les mobiles de ce sacrilège. Ils donnent aussi à la Justice l’opportunité d’opérer sa propre conversion en tant que institution.
Ils donnent aux magistrats et officiers de police judiciaires impliqués dans cette enquête de ne pas marquer leur histoire personnelle, celle de leur famille, leur progéniture pour l’éternité, de ne pas se souiller du sang du martyr d’un évêque.
De ne pas se rendre complice d’un acte macabre qui ne pourra jamais se taire. De ne pas s’inscrire de manière indélébile sur la longue liste des persécuteurs de l’Eglise et pâtir d’un crime qu’ils n’auront pas commis mais qu’ils seraient coupable d’avoir couvert.
Les évêques donnent au Cameroun la possibilité de se défaire du statut d’Etat meurtrier, assassins de prophètes. Chaque camerounais est ici interpellé et doit y veiller. Veiller à ce que la mémoire de la Nation ne soit pas maculée, souillé du sang d’innocents pour l’éternité, à cause des atrocités d’un groupe de pervers cyniques, pour qui il n’y a de valeur que le vice qu’ils répandent à tout vent.