En pleine polémique douloureuse et dramatique sur l’assassinat de Mgr Jean-Marie Benoit Bala, marquée par la volonté affirmée du système gouvernant de le maquiller en suicide, les évêques du Cameroun se sont affichés ce mercredi avec le Secrétaire Général de la présidence de la République.
Ce mercredi était jour d’ordination épiscopale à Yokaduma. Mgr Paul Lontsié Keuné, évêque nommé du diocèse éponyme, prenait possession de son siège apostolique.
La cérémonie avait lieu au stade municipal et elle était présidée par Mgr Piero Pioppo, Nonce apostolique au Cameroun et en Guinée Equatoriale, consécrateur principal. Il était assisté de Mgr Eugeniusz Juretzko, O.M.I, évêque émérite dudit diocèse, et Mgr Dieudonné Watio, évêque de Bafoussam.
Comme on en a pris l’habitude, le chef de l’Etat y était représenté. Et c’est Ferdinand Ngoh Ngoh, le Secrétaire Général de la présidence de République qui s’y est collé. Selon des personnes présentes à la cérémonie, l’ambiance n’était pas vraiment festive, malgré la circonstance heureuse.
Au lendemain de la publication d’un communiqué signé du Procureur de la République en charge de l’enquête pour « mort suspecte » de Mgr Jean-Marie Benoit Bala, concluant à la noyade et dont implicitement au suicide, il est assez logique que l’épiscopat se sente outré, lui qui a indiqué, sans ambages le 13 juin dernier, que « Mgr Jean-Marie Benoit Bala a été brutalement assassiné ».
Une présence malvenue pour de nombreux observateurs, fidèles et non chrétiens. Pour l’extrême majorité de l’opinion, l’Eglise aurait pu et même dû se passer de cette présence « narquoise et hypocrite ». Pourtant, les évêques se sont quand-même offert une photo « de famille » avec le représentant de Paul Biya.
« Inacceptable »
« Comment les évêques ont-ils pu accepter la présence de ce monsieur à cette cérémonie ? ». La question rhétorique de Bibiane O. revient sur toutes les lèvres. « Ces images me sont en travers de la gorge », affirme Simon B., un chrétien outré.
« Pour moi, c’est purement et simplement de la traîtrise. Un peu comme si les évêques se rendaient complices de l’assassinat de Mgr Bala », s’insurge Françoise K.
Etienne T., pour sa part, remet en cause l’attitude générale de l’épiscopat depuis le décès de Mgr Bala. « C’est à croire que les évêques ne se préoccupent pas des inquiétudes et de la souffrance des fidèles », s’indigne-t-il, éploré. Avant de poursuivre : « Seigneur, ais pitié de nous ! ».
Pour Madelaine A., une non catholique très marquée par le drame de Mgr Bala, « c’est simplement la preuve les évêques n’ont pas saisi la gravité de la situation. » « C’est cette proximité coupable et avilissante qui rend l’Eglise catholique et ses pasteurs vulnérables, complices et inefficaces face aux hommes politiques et leurs vices », assène-t-elle.
Face à cette avalanche de critiques, une source ecclésiale rassure : « Les évêques sont bien conscients du drame que vivent les camerounais et les chrétiens catholiques en particulier. Ils le vivent avec eux. Et même avec davantage de gravité encore ». Mais « ils sont avant tout les apôtres de la paix, de l’amour et de la miséricorde. Ils n’œuvrent pas selon le corps et les émotions, mais selon l’Esprit. Et cette présence est la preuve que le Seigneur n’a pas encore épuisé sa miséricorde et que sa main reste tendue en faveur des auteurs de ce meurtre atroce ».
Pour autant, notre clerc reconnait que « si les évêques venaient à s’aligner sur les conclusion du Procureur, ce sera le discrédit total ». Il est aussi d’avis que l’Eglise doit revoir ses rapports avec les puissances publiques et économiques, pour redevenir une force libre et indépendante.
« Vue la dimension que la concussion a prise, suggère-t-il, je crois qu’il faut nécessairement passer par l’inimitié pour rétablir l’équilibre ». L’occasion devrait normalement faire le Larron.