L’un est soutenu par le pouvoir de Yaoundé, l’autre par le Vatican.
La position à adopter suite au rapport de la justice sur les causes du décès de Monseigneur Jean-Marie Benoit Bala est à l’origine d’une querelle entre Monseigneur Samuel Kleda (archevêque de Douala) et Monseigneur Mbarga (archevêque du diocèse de Yaoundé).
Au sein de l’Eglise catholique au Cameroun, on ne s’exprime pas à visage découvert sur cette dissonance. Pour des raisons évidentes, nous appellerons notre source Père F. Ce religieux du diocèse de Yaoundé qui souhaite s’exprimer sous le sceau de l’anonymat soutient que «Il y a deux camps qui s’affrontent dans cette affaire. Ce que je peux dire est que la ligne de la Conférence épiscopale et donc les positions sont portées par Monseigneur Kleda est celle qui est en droite ligne avec la position du Vatican.» Un camp qui s’oppose catégoriquement à la version du suicide évoquée par la justice.
Le Père F. explique que « La deuxième ligne est conduite par Monseigneur Mbarga (l’archevêque du diocèse de Yaoundé). Ce camp montre des signes de rapprochement avec le pouvoir.» Sur la question, le prêtre indique que «Vous avez dû lire certaines positions sur les réseaux sociaux qui présentent ces théologiens comme des hiérarques de l’Eglise proches du pouvoir parce qu’ils auraient bénéficié de quelques soutiens de leur part pour être là où ils sont.» Selon la même source, cette ligne aurait joué un rôle important de rapprochement entre l’Eglise catholique et le pape. «Ils ont présenté le pouvoir de Yaoundé comme une institution proche de l’Eglise.»
L’opposition entre les deux évêques est perceptible dès le début de l’affaire. Patron diocésain de la province ecclésiastique de Yaoundé, Monseigneur Jean Mbarga, présenté comme un homme introduit dans la curie romaine, penche sur l’organisation des obsèques du défunt évêque de Bafia une fois son corps découvert. Une éventualité peu appréciée de la hiérarchie de la Conférence épiscopale. Conduite par l’archevêque de Douala, Monseigneur Samuel Kleda, la Conférence épiscopale nationale obtient du procureur l’ouverture d’une enquête afin de déterminer les causes et, surtout, l’identification des auteurs et des commanditaires de ce qu’ils perçoivent dès le début comme un assassinat. De sa position, Marcous Mandeki, chrétien catholique estime qu’«Il existe des prélats très proches du pouvoir en place, qui eux sont au service des parrains installés dans le sérail, donc il est difficile de les embarrasser par leurs prises de position, d'un autre côté certains qui se sont rangés auprès des non-alignés pour protéger l'église et ses serviteurs car ce qui arrive aux autres pourrait bien. »
Une posture confortée dès les deux premières autopsie, comme le soutiennent des sources proches de l’Eglise catholique qui indiquent des signes de torture, des lésions corporelles et des sévices sur les parties génitales sur la dépouille de leur collègue. «Ces informations ont conforté la Conférence épiscopale sur sa volonté d’en savoir sur les causes de cet acte.» Comme le relève l’Abbé S de l’archidiocèse de Douala. Des informations transmises par la Conférence épiscopale à la mission vaticane reçue à la présidence de la République. Mais, avec l’accord tacite de la ligne pro-gouvernementale, une troisième autopsie est pratiquée. Un exercice dont les conclusions détonnent avec celles des deux premières renforçant le clivage entre les deux lignes cléricales et un sérail dont de nombreux membres de la Conférence épiscopale nationale restent convaincus que quelque personnalité serait à l’initiative de ce crime. Toutefois, cette source évoque néanmoins des rumeurs sur le statut matrimonial du défunt évêque qui aurait été marié lors de son vivant et aurait des enfants biologiques à charge. Dans la foulée, Marie-Ange, chrétienne de Bafoussam croit savoir que «les divisions à l'intérieur du clergé catholique romain face au pouvoir en place ne datent pas d'aujourd'hui, mais l'histoire nous rappelle que les progressistes au service de l'Eglise et des brebis ont toujours eu gain de cause.» Une posture qui compte de nombreux adeptes chez les chrétiens d’obédience catholique.
Les réseaux et la curie
Cynisme? Comme le Père F. L’Abbé S soutient l’idée d’une complicité ne serai-ce que passive de quelques cadres de l’Eglise catholique dans la mort de l’évêque de Bafia. Au reporter, le prélat Indique «Il y a parmi les prêtres et les évêques, ceux qui ont participé même passivement et qui connaissent les causes de la mort de Monseigneur Bala.» Pour lui, c’est ceux-là qui agitent les réseaux dans l’ombre pour faire passer la thèse du suicide. Malheureusement consent la même source, cette thèse passe mal au sein de l’Eglise et dans l’opinion. «Si Monseigneur Bala avait eu des problème qui l’auraient poussé à se suicider, il aurait été appelé au Vatican. A défaut être nommé ailleurs.»