Affaire Brenda Biya: un vrai théâtre de boulevard

BRENDA BIYA PHOTO 2024 Elle tente maintenant de se rendre visible

Mon, 15 Jul 2024 Source: Intégration N°618

I ci chez nous où l’homosexualité est considérée comme une maladie mentale et un délit pénal, Brenda Biya a choisi sa stratégie de révélation publique de son identité sexuelle. Jusqu’alors discrète, la fille de Paul et Chantal Biya a fait médiatiser un discours soigneusement préparé. Une fois cela fait, la jeune femme va plus loin: Dès que ses parents ont, tous les deux, su qu’elle était en «couple», et a régulièrement emmené sa «compagne», dans sa famille pour un week-end ou quelques jours, du point de vue de Brenda Biya, son intégration et celle de sa «compagne» dans la famille présidentielle sont réussies.

Maintenant, elle tente maintenant de se rendre visible dans le corps social et d’y imposer la question de l’homosexualité dans le débat plus large sur les discriminations et l’égalité dans la société camerounaise. L’attitude du Prince et de ses amis qui fondent la défense de l’honneur sur le silence, montre combien il est très difficile de connaître le rôle qu’ont choisi d’endosser Paul et Chantal Biya au sujet de cette affaire. Face à cette «parole retenue», le discours, qu’il soit diatribe ou plaidoyer se déploie dans un espace public désormais dominé par la presse et le procès public, sous les yeux de tous. Au palais, il se raconte que chacun prend la posture de celui qui a su, presque par hasard, ce que tous savent, mais que personne ne doit savoir, mais accepte que cela relève avant tout d’une sphère privée rendue accessible à cause de la curiosité des médias. Et dans ce cas, tout polémiste se place en fait dans une posture de maître chanteur.

L’autre jour, quelqu’un a estimé que le «coming out» de Brenda Biya n’est pas le fait du hasard, mais survient à un moment clé du calendrier politique de son pays, dans un contexte qui le rend possible. D’autres commentaires placent aussi cette révélation dans le contexte familial réputé très homophobe. D’autres encore postulent que Brenda Biya s’est juste prêtée au jeu de la peopolisation avec les médias et l’opinion publique, en utilisant la mise en scène de sa vie privée comme un moyen de promouvoir le projet de légalisation de l’homosexualité au Cameroun.

La rhétorique de dénonciation qui se déploie vise, classiquement, à épargner le souverain en dénonçant les conseillers incapables. Qu’importe si l’ensemble a des airs de théâtre de boulevard. L’»affaire» apparaît ici comme un nœud, à la charnière de l’histoire politique, de l’histoire des mœurs et de l’histoire sociale, où s’enchevêtrent les contradictions d’une société. Sauf que, sur le coup, c’est de la dimension générationnelle de cette visibilité homosexuelle de la fille du président de la République qu’il s’agit. Brenda Biya et tous ceux qui sont autour d’elle savent bien qu’ils ont confié aux médias la tâche de faire évoluer cette image vers une représentation plus conforme et vers une analyse plus élaborée des liens entre politique et sexualité.

Au même moment, le parcours de Brenda Biya décrit plus haut, nous rappelle singulièrement que nous ne sommes pas encore entrés dans une période où l’orientation homosexuelle serait considérée en tous lieux comme strictement équivalente à l’orientation hétérosexuelle. C’est que jusqu’ici, l’articulation entre imaginaires sociaux et la législation répressive (article 347 bis du Code pénal) reste ferme. À tout prendre, le simple fait que cela existe, ne donne pas droit de cité à l’homosexualité au Cameroun. Cela invite plutôt à rester concentré.

Source: Intégration N°618