Pour le cas du Cameroun, la multinationale de droit anglo-suisse a avoué avoir versé ce montant à de très hauts responsables de la Snh et de la Sonara pour obtenir des facilités auprès de ces entités publiques. Cependant, elle n’a jamais daigné révéler l’identité des corrompus.
Le procès contre Glencore Plc est révélé pour la première fois aux Camerounais au mois d’avril 2022 par l’ancien bâtonnier Akere Muna. L’avocat rapporte alors les faits relayés par le Financial Times, qui à son tour cite les dépositions de hauts responsables de la multinationale inculpés dans cette affaire. Le journal britannique spécialisé dans les questions financières fait un compte-rendu des aveux de Glencore Plc devant le tribunal londonien, relativement aux pots-de-vin versés à de très hauts fonctionnaires du secteur pétrolier africain. Pas qu’au Cameroun. Le Nigéria, la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo, l’Angola et le Soudan sont également cités par le négociant comme faisant partie des pays ayant perçu des pots-de-vin pour faciliter les opérations mafieuses de Glencore Plc dans ces pays respectifs. Les tentacules de la corruption de ce donneur d’ordre s’étendent jusque dans des pays de l’Amérique latine. Akere Muna a à plusieurs reprises dénoncé les méthodes frauduleuses utilisées par Glencore Plc pour « faciliter, payer et dissimuler les pots-de-vin versés à ces fonctionnaires de la SNH pour que Glencore reste un acheteur privilégié et obtienne des contrats à terme avec la SNH pour l'achat de pétrole brut, ainsi qu’à des fonctionnaires de la Sonara pour s'assurer que Glencore réussisse à vendre du pétrole brut à la Sonara à des prix avantageux pour Glencore ». Dans un tableau, l’avocat évoquait même des retraits frauduleux d’argent, effectués entre 2012 et 2014 dans les caisses de Glencore domiciliées en Suisse. La société occidentale recourait alors à des arguments commerciaux pour justifier ces opérations frauduleuses notamment les transferts illicites de capitaux. D’où le chef de fraude fiscale et douanière retenu contre elle. S’agissant du cas du Cameroun. « Glencore reconnait ces justifications comme étant fictives », explique le bâtonnier.
Transfert de devises : corruption et antipatriotisme
D’où la longue litanie de preuves rapportées par l’avocat « permettant d'appréhender le caractère flagrant de la fraude perpétrée par Glencore qui permettait de dégager des sommes d’argent qui étaient versées par la suite à certaines personnes haut placées de la Sonara et de la SNH ». Ces éléments sont déjà contenus dans la correspondance du 24 avril 2023, adressée au directeur général des Impôts. L’ancien bâtonnier exhorte le directeur général des Impôts à « obtenir de Glencore Explorations Cameroun les noms des individus antipatriotiques et corrompus qui ont reçu ces paiements illicites et de les communiquer aux Procureurs des Tribunaux de Grande Instance de Yaoundé, Douala et Limbe qui ont déjà été saisis par une dénonciation écrite ». Une demande d’autant plus fondée que Glencore a pris l’engagement devant les tribunaux britannique et américain, à l’issue de son procès, de respecter désormais les règles éthiques et de transparence dans le cadre de ses activités dans les pays où la multinationale intervient.
Pourtant, Glencore Plc n’a jamais daigné citer le nom de dirigeants corrompus dans les pays où elle a versé les pots-devin. Pour près de 7 milliards de F CFA s’agissant du cas du Cameroun. Une attitude d’autant plus étonnante que, note le juriste, ces pays occidentaux sont toujours prompts à donner des leçons de transparence. « Je dois exprimer mon dégoût que les pays du nord qui nous accusent d'être corrompus, protègent désormais activement les corrompus. Ils ont forcé Glencore à licencier tous ceux qui étaient impliqués. Ils trouvent cependant tout à fait normal que les corrompus soient protégés dans nos pays.
Maintenant, nous recevons des histoires non confirmées de Glencore menacé par des individus corrompus en Afrique. Ces escrocs sont allés jusqu'à dire que si des noms sont publiés, Glencore perdra ses contrats », affirmait alors l’avocat camerounais.
Directives Itie
« Il convient de noter que le Département de la justice de New York se plaint auprès des tribunaux que Glencore ne coopère pas dans la mesure promise dans les accords », ajoutait Akere Muna. Le 3 novembre 2022, Glencore Plc avait été déclarée coupable de corruption, blanchiment d’argent et fraude fiscale et douanière, et condamnée à verser une amende de 276 millions de livres sterling soit 162,73 milliards F CFA. Auparavant, elle avait plaidé coupable des infractions tels que “le transport de l’argent de la corruption par avion et contrebande, sans passer par les institutions financières comme l’exige la loi”. Tout ceci dans le seul but d’obtenir des contrats pétroliers dans cinq pays africains, dont le Cameroun, et dans certains pays de l’Amérique latine. Selon Akere Muna, la révélation du scandale Glencore pourrait saper tous les efforts consentis dans la mise en œuvre des directives Itie par le Cameroun. « Grâce au dévouement et à la passion de personnes comme le ministre Abah Abah Polycarpe, M. Tchoffo Jean et M. Grégoire Mebada, nous avons pu faire pression pour que le Cameroun rejoigne le processus de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie).
Le ministre Abah, malgré ce que l'on dirait de lui aujourd'hui, était un partisan convaincu du processus et a même pris la parole à la conférence de Londres. Il était fortement soutenu par le secrétaire général de la présidence de l'époque, M. Atagana Mebara. L'ironie est que les véritables vandales économiques kleptocrates sont en train de narguer le reste des citoyens de la République alors que ceux qui prenaient des mesures concrètes pour protéger un secteur minéral vital sont en prison. »