Un enregistrement audio de l’animateur radio et prêtre orthodoxe Jean Jacques Ola Bébé assassiné le 2 février 2023 alors qu’il enquêtait sur l’assassinat de son ami et collègue pourrait donner de nouvelles pistes d’enquête au commissaire du gouvernement.
La douleur reste intacte presque trois mois après l’assassinat dans des conditions non élucidées de l’animateur radio Jean Jacques Ola Bébé. Difficile pour son épouse, Myriam, de finir une phrase sans écraser une larme. Encore éprouvée, elle porte des cheveux négligemment nattés, une robe de type « Kaba » qui lui couvre ce qu’il lui reste de ce corps autre fois plantureux. Elle a la mine défaite. Interdiction formelle de la filmer ou de l’enregistrer, dit-elle. « C’est devenu très compliqué dans ce pays ; dès que tu ouvres la bouche, on te tue. Voilà mon homme qui est parti », sanglote Myriam.
Le modeste domicile du couple situé au quartier Mimboman à Yaoundé porte le deuil. La maison ne désemplit pas. Difficile de faire parler les membres de cette famille éplorée, mais surtout tétanisée par la peur. L’heure est aux préparatifs des obsèques de Jean Jacques Ola Bébé prévus les 27 et 28 avril 2023 à Nkol-Tomo 1, non loin d’Obala dans le département de la Lékié. « C’est triste et très dur pour moi de devoir aller enterrer le père sans même savoir la vérité sur sa mort. Mais on va faire comment ? », pleure la veuve du défunt.
« Le père », c’est son compagnon, Jean Jacques Ola Bébé, 41 ans, animateur à Mo'o Radio à Yaoundé et par ailleurs prêtre de l’église orthodoxe. Le 2 février 2023, il est assassiné et son corps abandonné non loin de son domicile à Mimboman. Il enquêtait sur l’assassinat quelques semaines plus tôt de Martinez Zogo, qui fut son ami et collègue du temps où ils travaillaient tous les deux à Amplitude FM.
La veille, de son décès aux environs de 17h, il confiait à son épouse qu’il faisait l’objet d’une filature. « Je ne l’ai pas pris au sérieux quand il me l’a dit. Tout ce que je lui ai dit c’est que s’il est suivi par des gens dangereux, il n’a qu’à rester à la maison. Après notre conversation et sans que je sache comment, il est parti », se souvient-elle avec douleur.
Ce sera leur dernière conversation. Le lendemain autour de 9h, elle reçoit un appel du commandant de la brigade de gendarmerie de Mimboman, qui lui annonce l’assassinat de son mari. Elle est sans voix, sonnée. « Je n’ai pas vu son corps. La gendarmerie m’a dit qu’on l’a déjà mis à la morgue de l’hôpital central. C’est plus tard, le jour de l’autopsie que la famille est allée à l’hôpital et on nous a fait voir le visage pour sa reconnaissance. Le reste du corps était couvert d’un drap blanc. Même les résultats de cette autopsie nous ne les avons jamais eus », regrette cette veuve, infirmière diplômée d’Etat de 44 ans, qui doit désormais s’occuper seule des huit enfants du couple. « Le père était tout pour moi. On se battait à deux pour élever nos enfants. Je suis désormais seule. Je vais faire comment ? Je suis perdue », explose-t-elle, le visage trempé de larmes. Elle est inconsolable.
Alors que l’enquête sur l’assassinat de Jean Jacques Ola Bébé piétine et que le défunt semble étrangement passer aux oubliettes, un nouvel élément vient de tomber et pourrait établir un lien entre sa mort et celle de son ami et ancien collègue, Martinez Zogo. Dans plusieurs fichiers audios dont nous avons obtenu copies et dont la voix a été authentifiée par son épouse, Jean Jacques Ola Bébé explique à un mystérieux interlocuteur et un luxe de détails, les démarches journalistiques entreprises par lui pour avoir la vérité sur l’assassinat de Martinez Zogo. Il sera lui-aussi assassiné quelques jours plus tard avant d’avoir fait la lumière sur ce crime horrible. Il reconnaissait lui-même dans un des enregistrements les risques qu’il prenait dans le cadre de son investigation.
Dès le début de l’affaire Martinez Zogo, il pensait avoir trouver les coupables. Il va opérer un revirement en indiquant que toutes les pistes doivent être prises en compte. Jean Jacques Ola raconte avoir été à la Délégation général à la Sûreté nationale (DGSN) où Martin Mbarga Nguélé l’a mis en contact avec un de ses collaborateurs. Il dénonce pêle-mêle les manipulations et les mensonges de certains journalistes stipendiés pour orienter l’opinion vers un seul suspect ou commanditaire éventuel de l’assassinat alors que, selon lui, il est possible que Martinez Zogo ait été piégé et tué par ceux qui lui avaient fourni des documents dans ses révélations sur les détournements de fonds public, dans le cadre des lignes budgétaires 94 et 57. Pour lui en tout cas, aucune piste ne doit être négligée. Il va plus loin en citant quelques personnes qui, de son avis, devraient au moins être entendus parce qu’ils en savent trop.
Selon nos informations, ces fichiers audios ont été transmis avec décharge au commissaire du gouvernement.