30 septembre 2024 était le jour indiqué auquel devaient s’ouvrir les débats dans l’affaire Martinez Zogo. A notre grand étonnement, et selon les informations en notre possession, diverses exceptions ont été soulevées par les conseils des accusés. C’est leur option. Et c’est légal. En effet, l’article 19 de la loi n°90/059 du 19/11/ 1990 organisant la profession d’avocat au Cameroun dispose en son alinéa 1 que : « L’avocat a le choix des moyens de défense et de la forme sous laquelle il entend les présenter ». Me Charles Tchoungang et les avocats des accusés ont donc choisi leurs moyens de défenses et la forme sous laquelle ils entendaient les présenter devant le tribunal. Toutefois, il y a lieu de s’interroger si ces avocats sont convaincus de leur choix ou s’agit-il de distraire l’opinion ? Pour comprendre, il faut distinguer le régime des exceptions selon que l’on est devant le juge civil ou devant le juge pénal.
Le Code de procédure civile, créé par arrêté du 16 décembre 1954 dispose en son article 97 que : « Toutes les exceptions, demandes en nullités, fins de non-recevoir et tous les déclinatoires visés aux articles précédents sauf l'exception d'incompétence rationae materiae et l'exception de communication de pièces, seront déclarés 3 non recevables s'ils sont présentés après qu'il aura été conclu au fond. L'exception de caution doit être présentée en premier lieu. L'exception d'incompétence relative doit être présentée après celle de caution et avant toute autre. Toutes les autres exceptions, demandes de nullité, fins de non-recevoir et tous les autres déclinatoires doivent être proposés simultanément et aucun ne sera plus reçu après un jugement statuant sur l'un d'eux. » Le régime est tout autre sur le plan pénal.
En effet, le régime des nullités est consacré par les articles 3, 4, 5, 251 et 255 de la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale au Cameroun. Plusieurs Camerounais n’ayant pas à leur disposition la loi sus évoquée et d’autres manquant de temps pour la consulter, nous avons jugé utile de porter à la connaissance de tous les dispositions de ce texte pour que chacun se fasse une idée par rapport aux plaidoiries des avocats des accusés dans l’affaire Martinez Zogo sur les nullités qu’ils ont soulevées. JurIdICTIon dE JugEMEnT Article 3 : la violation d’une règle de procédure est sanctionnée par la nullité absolue lorsqu’elle préjudicie aux droits de la défense définis par les dispositions légales en vigueur, porte atteinte à un principe d’ordre public. Lorsque la violation d’une règle de droit préjudicie aux droits de la défense définis par les dispositions légales en vigueur, elle peut être invoquée à toute phase de la procédure par les parties et doit l’être d’office par la juridiction de jugement.
Il faut noter que le droit de l’accusé est d’être informé des preuves que l’accusation va présenter contre lui pour lui permettre de présenter sa défense. Article 4 : Les cas de violation autres que ceux prévus à l’article 3 sont sanctionnés par la nullité relative. L’exception doit être soulevée par les parties in limine litis, c’est-àdire avant toute défense au fond et devant la juridiction d’instance. Elle est couverte après cette phase du procès. Article 5 : les actes annulés sont retirés du dossier de la procédure et classés au greffe. Il est interdit d’y puiser des renseignements contre la personne concernée sous peine de poursuites en dommages-intérêts. Article 251 : Tout acte d’instruction accompli en violation des dispositions des articles 164, 167, 169 et 170 est nul. Article 255 : la juridiction de jugement, saisie par l’ordonnance de renvoi, a qualité pour constater les nullités visées au présent titre, sous réserve des dispositions des dispositions des articles 253 et 254. si l’ordonnance de renvoi a visé des actes entachés de nullité, la juridiction de jugement en prend acte, joint l’incident au fond et vide la saisine par un seul et même jugement. Il ne faudrait pas être sorti de la sorbonne pour comprendre que l’affaire Martinez Zogo est débattue actuellement devant la juridiction de jugement suite à une ordonnance de renvoi. Et l’article 255 du Code de procédure pénale donne la solution aux exceptions qui ont été soulevées par les avocats des accusés à la première audience lorsqu’il dispose que :
« Si l’ordonnance de renvoi a visé des actes entachés de nullité, la juridiction de jugement en prend acte, joint l’incident au fond et vide la saisine par un seul et même jugement. » En principe donc, il ne devrait pas y avoir de décision concernant les nullités soulevées par les avocats des accusés à la première audience, mais plutôt jonction de cet incident au fond pour être vidé lorsque le tribunal sera amené à vider sa saisine au fond. Il faut relever qu’avant même de vider la saisine au fond comme il est dit à l’article 251 du Code de procédure pénale, il y aura débats conformément aux dispositions des articles 359 et suivants dudit code. Les accusés ayant plaidé non coupables, il y aura débats sur la base des témoignages et des preuves administrées par la partie civile et le ministère public. Le Tribunal devrait se prononcer sur la suffisance des moyens de preuve, conformément à l’article 366 du Code de procédure pénale. C’est donc lorsque le tribunal aura estimé que les preuves sont suffisantes que les accusés seront alors appelés à présenter leurs moyens de défense. Tout est donc clair dans le Code de procédure pénale. Le tribunal, saisi par ordonnance de renvoi ne s’est pas prononcé sur la suffisance des preuves et aucun des accusés n’a été appelé à présenter ses moyens de défense.
Tous les accusés sont donc détenus à la prison centrale de Yaoundé à titre provisoire, parce qu’ils sont suspectés d’avoir torturé et/ou assassiné Martinez Zogo. PEInEs LourdEs Lorsque les avocats d’Amougou Belinga se démènent à le voir libéré à tout prix, ont-ils oublié qu’il s’agit de tortures et de mort d’homme et qu’il est par conséquent soumis au régime juridique de l’article 218 du Code de procédure pénale ? Cet article définit la détention provisoire comme une mesure exceptionnelle qui a pour but de préserver l’ordre public, la sécurité des personnes et des biens ou d’assurer la représentation en justice de l’inculpé. si Amougou Belinga et consorts peuvent offrir des garanties susceptibles de leur faire bénéficier de la liberté sous caution, ils sont desservis par l’article 224 alinéa 2 du même code dont voici la teneur : (1) toute personne légalement détenue à titre provisoire peut bénéficier de la mise en liberté moyennant les garanties visées à l’article 246 g ( soit un cautionnement dont le montant et les modalités de versement sont fixés par le juge d’instruction, compte tenu des ressources de l’inculpé, soit un ou plusieurs garants, conformément aux dispositions des articles 224 et suivants).
(2) Toutefois les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux personnes poursuivies pour crime passible de l’emprisonnement à vie ou de la peine de mort. Et plusieurs qui sont en détention provisoire sont susceptibles d’être condamnés à mort ou à vie. En s’obstinant à demander au Tribunal militaire que l’inculpé Amougou Belinga soit mis provisoirement en la liberté, les conseils de ce dernier soit ignorent les dispositions de l’article 224 alinéa 2 du Code de procédure pénale, ce qui n’est pas concevable, soit veulent tout simplement amuser la galerie, ce qui est probable. Même si la décision revient au tribunal bien que Me Tchoungang et les siens soient en posture d’amusement, s’agissant de la liberté provisoire qu’ils sollicitent pour leur client, il faut tout de même rappeler qu’il s’agit d’une plaisanterie de mauvais goût au motif qu’elle tend à la violation de l’article 224 alinéa 2 cidessus visé. La décision reviendra au tribunal sur cette plaisanterie. Il faut tout de même rappeler que dans la formule du serment de l’avocat, ce dernier jure de ne jamais rien dire ni publier de contraire à la loi, aux bonnes mœurs et à la sécurité publique. En demandant au tribunal de violer les dispositions légales, ne s’agit-il pas d’un parjure qui pourrait se retourner contre ce conseil ?
Car, demander de libérer provisoirement quelqu’un qui est susceptible d’être condamné à mort ou à vie est contraire à l’article 224 alinéa 2 du Code de procédure pénale ; c’est demander au juge de violer la loi par refus d’application. Me Tchoungang ne devrait-il pas être convoqué devant le conseil de l’ordre pour répondre de ce parjure, lui qui a prêté serment de ne rien dire qui soit contraire à la loi ? ordonnAnCE dE rEnvoI un autre moyen intéresse ce brillant homme pour essayer de mettre en liberté son client Amougou Belinga : l’ordonnance de mise en liberté qui aurait été signée par le juge Florent Aimé sikati II Kamwo, juge d’instruction qui aurait mis en liberté provisoire le Zomloa des Zomloa, Amougou Belinga. Alors que l’affaire est déjà pendante devant la juridiction de jugement, l’éminent conseil demande que soit exécutée l’ordonnance de mise en liberté. une question se pose : sur le plan procédural, la juridiction compétente, saisie par ordonnance de renvoi, est-elle juge de l’exécution des ordonnances du juge d’instruction ? selon l’article 256 du Code de procédure pénale, « lorsque l’information judiciaire est clôturée, le juge d’instruction communique le dossier au procureur de la république (ici commissaire du gouvernement) pour son réquisitoire définitif. Après ce réquisitoire, le dossier est retourné au juge d’instruction qui rend une ordonnance de renvoi devant la juridiction compétente.
« A partir de cette ordonnance de renvoi, les voies de recours sont ouvertes aux parties contre les actes du juge d’instruction. si le vénérable avocat Me Tchoungang avait estimé ou constaté des errements sur la procédure, il lui était loisible de recourir contre ces errements conformément aux articles 267 à 287 du Code de procédure pénale. La juridiction de jugement, qui obéit à un contrôle strict de la procédure ne saurait se substituer à la chambre de contrôle de l’instruction. C’est cette chambre de contrôle qui aurait dû vérifier si l’ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement était entachée d’une quelconque irrégularité. sinon la juridiction de jugement n’a rien à voir avec des ordonnances de mise en liberté qui auraient été signées par le juge Florent Aimé sikati II Kamwo. d’ailleurs, l’article 227 du Code de procédure pénale ne dispose-t-il pas que la décision de mise en liberté sous caution peut être rapportée par la juridiction saisie soit d’office, soit à la requête du ministère public ou de la partie civile.
Et si la décision de mise en liberté aurait été rapportée conformément aux dispositions de cet article 227 ? Il faut comprendre qui est le ministère public. CrIMEs Le ministère public est constitué, selon l’article 127 du Code de procédure pénale, de l’ensemble des magistrats du parquet général de la Cour suprême, du parquet général de la Cour d’appel, du parquet du Tribunal de grande instance et du parquet du Tribunal de première Instance. Audessus de tout ce monde du parquet, trône le président de la république, garant des libertés. Il faut noter le rapprochement entre la procédure pénale devant les juridictions de droit commun et les juridictions militaires en vertu de l’article 19 de la loi n°2017 du 2 juillet 2017 portant Code de justice militaire qui dispose en son article 19 que la procédure devant le Tribunal militaire est celle de droit commun. Il faut également noter que le président de la république est le chef suprême des Armées et que les décisions rendues par le Tribunal militaire sont susceptibles de recours jusqu’à la Cour suprême.
Lorsque ce président de la république remplace le juge d’instruction sikati II Kamwo après avoir signé l’ordonnance de mise en liberté provisoire d’Amougou Belinga, à supposer même que ce soit vrai, ce remplacement traduit la désapprobation de celui-ci à cette mise en liberté provisoire et, conformément à l’article 227 du Code de procédure pénale, cette décision pouvait être rapportée d’office par le juge d’instruction qui a remplacé sikati II Kamwo, et ce serait parfaitement légal. Maintenant, si la forme n’a pas été respectée, encore que la loi ne dit pas sous quelle forme le juge Pierrot narcisse nzié devait rapporter cette décision, il appartenait aux avocats des accusés de se pourvoir contre ce rapport. si la loi ne l’a pas prévu, alors il n’y a rien à faire. Amougou Belinga a été libéré suite à une décision du juge d’instruction, une autre décision du juge d’instruction a rapporté cette décision de libération. C’est fini. Quel serait le problème ? L’article 1er du Code pénal dispose que la loi pénale s’impose à tous. L’article 224 alinéa 2 du Code de procédure pénale dispose que les personnes poursuivies pour crimes passibles de l’emprisonnement à vie ou de la peine de mort ne peuvent pas bénéficier de la mise en liberté moyennant une caution. L’article 227 du Code de procédure pénale dispose que la décision de mise en liberté sous caution peut être rapportée par la juridiction saisie soit d’office, soit à la requête du ministère public, ou de la partie civile.
Et la loi prévoit des indemnisations en raison d’une détention provisoire ou d’une garde à vue abusive. si le Zomloa des Zomloa estime qu’il est abusivement détenu, qu’il se prépare à demander des dommages et intérêts le moment venu. Le reste sur la libération sous caution est destiné à amuser la galerie. sauf décision du juge en violation de l’article 224 alinéa 2 du code de procédure pénale. Ce n’est pas un commentaire tendancieux. Les Camerounais doivent être informés des dispositions légales.