Affaire Mebara: Les avocats de l’etat sur la défensive

Atangana Mebara6 Atangana Mebara

Wed, 8 Jul 2015 Source: Le Jour

« Mandatés par l’Etat », Me Ngongo Ottou et Me Nomo Beyala se sont répandus dans les colonnes de Cameroon Tribune pour répondre à Me Claude Assira.

Les avocats de l’Etat du Cameroun dans l’affaire qui oppose Jean-Marie Atangana Mebara à l’Etat accusent le quotidien Le Jour, l’hebdomadaire Kalara et le quotidien Cameroon Tribune de participer à une « campagne de désinformation menée par les conseils de l’accusé Atangana Mebara Jean-Marie (en l’occurrence Me Claude Assira, et Me Françoise Ekani Ndlr) pour convaincre l’opinion sur la violation des droits de la défense de leur client ».

Dans l’édition du quotidien gouvernemental, Cameroon Tribune du 3 juillet 2015, auquel ils ont fait recours (naturellement !) pour mener leur offensive, Me Ngongo Ottou et Me Nomo Beyala écrivent : « depuis quelques semaines, nous constatons que la presse nationale à travers certains journaux mène une campagne de désinformation qui vise à discréditer le système judiciaire camerounais en général et le Tribunal criminel spécial en particulier.

Ne faire aucune déclaration

Avec l’annonce de la visite du président de la République française au Cameroun, cette campagne qui se cristallise par une succession d’interviews accordées aux médias par certains confrères qui assurent la défense des intérêts des accusés devant le Tribunal criminel spécial, ne fait que s’intensifier… C’est pour cela que nous avons estimé qu’il était nécessaire et opportun de restituer la vérité à travers la présente mise au point ».

Leur « vérité », c’est que : « les droits de la défense n’ont jamais été violés par le Tribunal criminel spécial ». Parlant de la procédure qui concerne le détournement de 5 millions de dollars, affectés à l’achat de l’avion présidentiel, que l’on impute à Atangana Mebara, Me Ngongo Ottou et Nomo Beyala énoncent entres autres, une trentaine de renvois de la cause « dont plus de la moitié ont été sollicités et obtenus par l’accusé et ses conseils dans le souci du respect des droits de la défense » ; la récusation par l’accusé d’un des juges de la collégialité, à laquelle le président du Tcs a fait droit en procédant au changement du juge concerné.

« N’est ce pas là le respect des droits de la défense », s’interrogent les avocats de l’Etat. Et de tancer les avocats de Atangana Mebara : « la campagne de désinformation orchestrée par nos confrères pour jeter l’opprobre sur cette juridiction et discréditer tout le système judiciaire ne relève que d’une mauvaise foi manifeste ».

Les avocats de l’Etat du Cameroun pensent alors que leur « jeunes confrères » qui défendent Atangana Mebara ont fait preuve « d’une insuffisance professionnelle », lorsque rendu à la phase de la défense de l’accusé, ils ont suggéré à leur client de ne faire aucune déclaration. Et qu’à partir de ce moment, selon leur interprétation de la loi, Atangana Mebara ne pouvait plus faire auditionner ses témoins ou produire des pièces.

« Au lieu d’assumer donc les conséquences de leur incurie qui à la limite frise l’insuffisance professionnelle, ces jeunes confrères qui non seulement manquent de courtoisie à notre égard en nous traitant de mauvais plaideurs à travers les médias, veulent à tout prix couvrir leur bourde à travers cette campagne de désinformation que nous sommes en train de fustiger », assènent-t-ils, telles des railleries à l’endroit de Me Claude Assira et Me Françoise Ekani. Et de poursuivre : « nos jeunes confrères s’étant déconstitués depuis l’audience du 24 juin 2015, nous aimerions savoir à quel titre continuent-ils d’envahir les médias pour parler du procès d’un accusé qu’ils ne défendent plus ».

La sortie de ces avocats expressément mandatés par l’Etat tel que euxmêmes ils le mentionnent intervient alors deux jours après une interview de Me Assira dans les colonnes du journal Le Jour. Morceaux choisis :

Solution extrême

« Cela fait un an que la défense de monsieur Atangana Mebara attire l’attention du Tribunal sur les manoeuvres du parquet qui n’a jamais fait la preuve de son empressement à faire venir nos témoins pourtant dénoncés depuis mars 2014. Ceux-ci ne peuvent venir déposer à la barre sur le fait que Boeing a bien reçu les fonds dont Atangana Mebara est accusé de détournement parce que le parquet ne veut pas les faire citer régulièrement, alors que la loi lui en donne la mission, sans, il est vrai, hélas l’y obliger.

En revanche, le Tribunal qui est l’arbitre des débats aurait dû respecter l’équilibre du procès. Mais, il fait preuve d’une incroyable mollesse à l’égard dudit parquet et refuse luimême de prendre ses responsabilités en se substituant comme il en a le pouvoir, au parquet, pour ordonner alors la comparution des témoins.

De fait, le Tribunal a passé 15 mois à louvoyer et à balancer entre la pertinence de la demande d’Atangana Mebara et la crainte révérencielle vouée au parquet. Et cette complaisance est intolérable, dès lors qu’elle porte irrémédiablement atteinte aux droits de la défense. Nous avons espéré pendant plus de quinze mois un changement d’attitude du Tribunal ; ne le voyant pas, nous avons tenté de l’y pousser en l’obligeant à répondre clairement par conclusions développées le 21 mai 2015.

C’est ainsi qu’il a, dans un premier temps, accepté du bout des lèvres la comparution des témoins pour le 9 juin 2015, mais sans dire comment ils seraient convoqués ; Puis, il va se rétracter subrepticement à l’audience du 9 juin 2015 en donnant la parole au ministère public pour ses « réquisitions » sur la culpabilité en gardant un silence pudique sur la controverse soulevée par l’accusation sur les témoins.

Vous savez, nous avons été dès la 1ère heure, les avocats de Monsieur Atangana Mebara que nous défendons depuis le 1er août 2008. Dieu sait que nous avons eu à affronter des surprises et à y faire toujours face. En arriver à une solution extrême comme une déconstitution n’a pas été chose facile. Mais, elle m’est apparue comme une évidence et comme la seule issue possible pour permettre, je l’espère une nouvelle attitude des autorités de jugement et de ceux qui veulent juger en secret ».

Source: Le Jour