Le 29 juillet dernier, le Directeur de publication (Dp) de votre journal a été auditionné au siège de la Police judiciaire (Pj) à Yaoundé pendant plus de six heures. Les faits à lui reprochés sont connus. Un article rédigé en début de semaine dernière, décrivait des tensions et heurts entre deux membres du gouvernement, une scène vécue en public et devant témoins.
Une phrase du commentaire accompagnant l’article est à l’origine du feuilleton judiciaire dont le Dp est victime aujourd’hui. Une situation pour laquelle Reporters sans frontières (Rsf), une organisation qui milite pour la liberté de l’information, célèbre pour son indice de perception des droits de l’homme, en terme de liberté de la presse, s’inquiète.
La publication est qualifiée d’ « anti patriotique » par la présidence de la République. Une situation qui fait dire à Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières que « Nous sommes extrêmement préoccupés par le long interrogatoire du directeur d’un journal aussi établi, que Mutations, pour un commentaire aussi anodin.
Nous interprétons cela comme un signe clair de durcissement des autorités camerounaises contre les médias du pays, d’autant plus que d’autres éléments corroborent cette évolution. Certes le contexte sécuritaire est compliqué mais il ne faut l’utiliser à tout bout de champs pour empêcher le moindre commentaire sur le président ». Et Rsf de faire un regard en arrière sur les récents évènements survenus dans la confrérie au Cameroun. Pour cette organisation, il est clair que Les autorités camerounaises ont brillé ces derniers mois par leur attitude répressive à l’encontre des médias du pays.
Parmi les cas les plus parlant : Félix Cyriaque Ebole Bola et Rodrigue Tongue, respectivement journalistes pour les quotidiens Mutations et Le Messager, qui sont poursuivis en justice depuis octobre 2014 devant un tribunal militaire pour avoir simplement tenté de vérifier une information auprès de la police. Leur procès traîne en longueur et est toujours en instruction à ce jour. Le Dp du journal le Zénith, Zacharie Ndiomo, qui après avoir passé cinq mois en prison, est à nouveau poursuivi en justice par la même personne et pour les mêmes faits que la fois passée. Ce qui pour Rsf, est « une violation du principe légal de base de non bis in idem, qui interdit toute nouvelle poursuite contre la même personne pour les mêmes faits ».
L’Ong note également qu’en décembre 2014, le vote par le Parlement d’une loi anti-terroriste qui peut être appliquée contre les journalistes n’est pas pour rassurer, alors que le Cameroun n’a toujours pas dépénalisé les délits de presse. Il est à noter que dans le classement 2015 de Rsf, le Cameroun occupe le 134e rang sur 180 pays classés, en termes d’indice de perception de liberté de la presse.