Le regard de l’historien du football, Dr Claude Kana, à propos de l’exclusion des joueurs des championnats professionnels pour double identité, où il voit une responsabilité au-dessus de la Fécafoot et de Wilfried Nathan Doualla.
Ce lundi, le Cameroun entier s’est réveillé en état de choc, suite à la publication par la FECAFOOT d’une liste de 62 footballeurs ayant pris part à la phase régulière du championnat Elite one, et exclus des Play-offs pour double identité. Passé l’émoi, il est temps de prendre du recul, d’analyser les différentes responsabilités et de voir ce qu’il faut faire maintenant. Wilfried Nathan Douala, alias Alexandre Bardelli, « le petit génie » d’Opopo, qui était une des grandes attractions du Cameroun à la dernière coupe d’Afrique des nations, mais que personne n’a jamais vu jouer est devenu très vite le symbole des turpitudes du Cameroun en la matière, malgré lui. Je vais d’emblée lui apporter tout mon soutien, parce qu’aucun enfant ne peut se fabriquer des faux papiers tout seul.
C’est les adultes qui l’offrent comme agneau sacrificiel aujourd’hui qui sont les premiers responsables de ce qui arrive à ce petit, sans nier sa propre responsabilité et celle de ses proches. Une fois que c’est dit, nous camerounais devons arrêter de fanfaronner et de reconnaitre que la corruption généralisée qui a pour corollaire l’acquisition facile des faux papiers est un cancer qui gangrène tout le pays depuis des lustres. Si le Cameroun était un être vivant, il serait en état de mort végétative depuis.
On se produit un faux acte de naissance comme si on achetait un pain à la boutique d’à côté. Il faut donc être de mauvaise foi, pour dire que ce problème n’est propre qu’au football, ou pour croire que la FECAFOOT peut le combattre toute seule. C’est un problème d’Etat qui doit être pris au sérieux depuis le sommet de l’Etat. Et la FECAFOOT, quelle est sa responsabilité ? On peut la féliciter parce que le fait de suspendre des joueurs montre que le système de contrôle marche.
Mais comment la Commission des licences peut attendre la fin du championnat régulier pour sortir une liste de joueurs qui ont participé à 19 journées dans l’illégalité ? Peut-on suspendre 62 joueurs illégaux et conserver les résultats auxquels ils ont pris part ? Après l’établissement de cette liste, on ne peut pas faire comme si de rien n’était et continuer les play-offs. La FECAFOOT doit prendre ses responsabilités jusqu’au bout, soit en décrétant une saison blanche, les irrégularités constatées étant trop nombreuses pour qu’on conserve les résultats acquis sur du faux, soit faire jouer les play-offs seulement par les 4 équipes non concernées par les doubles identités.
Les membres de la Commission des licences doivent être démis de leurs fonctions car, s’ils avaient voulu saboter leur propre institution, ils n’auraient pas procédé autrement. La période des transferts doit être rigoureusement respectée et encadrée, et les règlements généraux appliqués de façon rigoureuse et impersonnelle. On paye aussi le fait que chacun cherche à protéger ses amis. Je ne saurai finir cet article sans pousser un coup de gueule aux médias occidentaux qui se défoulent sur le petit Wilfried Nathan Douala.
Tant que les clubs européens continueront à privilégier l’âge et non les qualités intrinsèques des jeunes qu’ils veulent recruter, vous aurez encore des jeunes de 17 ans. Ce n’est pas l’âge qui fait un bon footballeur. Le contexte africain n’est par le même qu’en Europe. Il n’existe que très peu de structures pour faire éclore un jeune joueur africain à 16 ans. Et personne ne doit jeter la pierre à ces enfants aux destins tortueux qui s’accrochent comme ils peuvent pour leur survie.