En froid avec la justice pour présumée manipulation frauduleuse de la solde de l'Etat, il détiendrait les codes secrets servant au traitement des salaires des fonctionnaires.
L'homme toujours réfugié derrière ses lunettes noires est perçu aujourd'hui comme la bête noire des agents de l'Etat. Rien qu’à prononcer son nom, beaucoup de fonctionnaires ont de la peine à retenir leurs larmes. « A cause de ce mystérieux homme, je n'ai pas de salaire depuis deux ans. Il fait peur à tout le monde, même à certains membres du gouvernement », marmonne un fonctionnaire.
A son entrée à la prison centrale de Yaoundé, le vendredi 4 mai dernier, Emmanuel Leubou, âgé de 56 ans, va marquer les esprits. D'un regard plus ou moins hautain, il ne va laisser transparaître aucune gêne. Très sûr de lui, une fois au quartier 1 de la prison, le président du conseil d’administration d’Unisport de Bafang restera froid comme du marbre. Il est en détention préventive pour détournement de deniers publics en coaction, pour manipulation illicite du fichier solde de l'Etat, ayant causé un préjudice de 13 milliards Fcfa à l'Etat. Il ne se fera pas très distrait, au regard de son affaire qui défraie la chronique.
LIRE AUSSI: Enquête agents fictifs: les locaux du MINFI cambriolés!
Peut-être comptait-il sur la puissance de son réseau qui peut déclencher des négociations pour sa libération. Ce réseau est fort, rappellent certains. Au temps du ministre des Finances Essimi Menye, ce réseau l'avait contraint à renforcer sa sécurité. Cet ancien Minfi avait voulu mettre la main sur les auteurs de la manipulation illicite de la solde. A cette époque, des noms avaient fuité. Parmi lesquels ceux d'Emmanuel Leubou et d'un ancien président de parti politique proche d'un ancien ministre délégué auprès du ministre des Finances.
D’ailleurs, Emmanuel Leubou, dans cette nouvelle affaire, aurait des émissaires d'un certain rang social, plus ou moins discrets, dans les deux jours qui vont suivre sa mise en détention à la prison de Kondengui. Il fallait tout faire pour qu'il donne les mots de passe devant permettre à d'autres personnes de traiter les salaires de l'Etat du mois de mai 2018. Selon nos informations, Emmanuel Leubou va exiger sa libération comme préalable.
Chose qui lui sera concédée, puisque certaines personnes l'auraient vu hors de la prison le mardi 8 mai. « Les responsables du Minfi impliquées dans les affaires de détournement de deniers publics ne restent jamais en prison parce qu'ils sont liquides. Je ne suis pas surpris de le voir hors de la prison », confie une de ces personnes.
LIRE AUSSI:Paul Motaze dénoncé au TCS pour des faits graves [Document]
En effet, hier, lors de la messe de l'Ascension dite dans la cour de la prison centrale de Kondengui, le visage d'Emmanuel Leubou n’était pas visible. Selon nos sources, ses codétenus du quartier 1 disent ne l'avoir plus vu depuis mercredi dernier. Certes, la priorité du gouvernement est de payer à temps les salaires des 350.000 agents, mais il reste exposé au chantage du chef de division informatique du ministère des Finances. Puisque c'est ce dernier qui change les mots de passe après chaque traitement des salaires. Or, lors de son arrestation, Emmanuel Leubou, apprend-on, était le seul à détenir ces codes.
« Afin de contourner la difficulté, il se disait que Emmanuel Leubou devait sortir de prison le 15 mai, suffisamment à temps pour aller traiter les salaires », explique une source digne de foi. C'est pourquoi cet originaire de Bafang est présenté comme étant « l’alpha et l’oméga du paiement des salaires ».
Il se dit d'ailleurs qu'il avait déjà vécu une traversée du désert et l'on ne sait par quelle alchimie il avait retrouvé son poste.