Un vaste réseau social qui promeut des idées anti-occidentales et pro-Kremlin en Afrique francophone a été mis au jour.
Appelé Russosphère, les messages typiques accusent la France de "colonialisme" moderne, font l'éloge de Vladimir Poutine et traitent l'armée ukrainienne de "nazis" et de "satanistes". Ils font également l'éloge des mercenaires russes de Wagner, allant jusqu'à communiquer des informations sur le recrutement au cas où les adeptes souhaiteraient s'engager.
Selon les experts, ces fausses informations alimentent la méfiance entre les nations africaines et l'Occident, et contribuent au manque de soutien à l'Ukraine sur le continent.
En collaboration avec Logically, l'organisation technologique qui a tracé le réseau, l'équipe de la BBC chargée de la désinformation dans le monde a retrouvé la figure surprenante qui en est à l'origine : un homme politique belge de 65 ans qui se dit stalinien.
Dans le passé, Michel a œuvré à la légitimation des votes dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie et a été lié à "Merci Wagner", un groupe soutenant le travail des mercenaires russes.
Nous avons contacté Michel et il a accepté de discuter de Russosphère. Il nous a dit qu'il l'avait créée, mais a affirmé qu'elle ne recevait aucun soutien financier de la Russie, affirmant qu'elle était financée par des "fonds privés".
Il a également insisté sur le fait qu'il n'avait aucun lien avec Wagner et son chef Yevgeny Prigozhin. "Je gère la cyberguerre, la guerre médiatique... et Prigozhin mène des activités militaires", a-t-il expliqué.
Selon Kyle Walter, cette campagne est la première fois que les efforts de Michel ont un impact réel dans le monde : "Russosphère est la première fois que Luc Michel et les opérations d'influence générale qu'il dirige ont eu un succès significatif."
Même si les groupes ont été aidés par des bots au début, ils sont maintenant une authentique opération d'influence organique, avec une grande partie de vrais adeptes de toute l'Afrique."
Né en 1958, il a été politiquement actif dès son plus jeune âge, d'abord dans les groupes néofascistes de sa Belgique natale, puis comme disciple de Jean Thiriart, un ancien collaborateur nazi qui envisageait un "empire euro-soviétique de Vladivostok à Dublin", uni contre l'Amérique.
Sa carrière l'a conduit en Libye pour soutenir le dirigeant Mouammar Kadhafi, puis au Burundi comme conseiller du président controversé Pierre Nkurunziza.
Tout au long, il a maintenu une connexion russe, travaillant avec "Nashi", le mouvement de jeunesse du Kremlin, et créant un autoproclamé "groupe de surveillance des élections" qui a déclaré "libres et équitables" les référendums illégaux organisés par Moscou en 2014 en Crimée, à Donetsk et à Louhansk.
"Je suis un stalinien", a-t-il indiqué à la BBC. "Je défends la Russie depuis les années 1980. Je pense que la Russie est la seule force restante en Europe qui est anti-américaine. Je suis un nostalgique de l'Union soviétique. Je veux un monde libre sans l'Amérique."
À Paris, selon Limonier, "les diplomates et les militaires, ils le lisent, ils le voient et ils disent : 'Oh mon dieu'."