Alternance : voici le choix de l'Église évangélique du Cameroun

Etoudi Alternance politique

Wed, 22 Jan 2025 Source: Le Messager n°8439 du 20 janvier 2025

Alors que les évêques de l'Eglise catholique se sont prononcés en faveur d’un changement politique, l’Église évangélique du Cameroun (Eec) par la voix de son président, Billa Mbella Alexandre, a choisi la neutralité. Une décision qui divise les fidèles et provoque des vives réactions, même chez certains pasteurs.

Le sermon du silence ! Dans un contexte sociopolitique tendu à l’approche de la Présidentielle de 2025, l’Eec a décidé de rester en retrait. Le 10 janvier 2025, le pasteur Billa Mbella Alexandre, président de l’Eec, a envoyé une lettre officielle à ses pasteurs pour leur interdire toute prise de position individuelle sur les questions sociopolitiques. « Toute déclaration sur les questions socio-politiques est du ressort du Synode général. En dehors de cette instance, toute déclaration est proscrite », a-t-il affirmé dans sa lettre. Cette mesure vise, selon lui, à « préserver la neutralité et l’unité de l’Église évangélique du Cameroun face aux enjeux sociaux et politiques délicats du pays ». Cependant, cette posture de réserve contraste fortement avec celle de l’Église catholique, dont les évêques ont récemment dénoncé les problèmes de gouvernance et appelé à une alternance politique. Cette divergence de stratégie suscite de vives réactions. Certains fidèles et pasteurs de l’Eec voient dans cette décision un manque de courage face aux injustices que traverse le Cameroun.

Lors d’une prédication le dimanche 19 janvier 2025, le pasteur Marie Victor Tiozang de la paroisse de Soboum dans l'arrondissement de Douala 3e a défié la directive du président de l’Eec en exhortant les chrétiens à agir pour le changement à travers la participation électorale.

« Vous dites que le pays est dur, vous dites qu’il y a la misère. Pour changer, il faut la carte d’électeur. Est-ce que vous avez les cartes électorales ? », a-t-il lancé lors de la prédication. Les fidèles expriment également leur frustration. « De vous à moi, vous pensez vraiment qu’un pasteur qui se montre complaisant face à l’injustice est digne de sa mission ? », s’interroge un fidèle de l’Eec. L’avocate et militante des droits humains, maître Alice Nkom, est allée encore plus loin. Lors de la célébration de son 80e anniversaire, elle a exprimé sa déception envers l’Eec.

« La sortie du président de l’Eec est une sortie décevante et dangereuse. J’ai honte d’appartenir à une telle Église. Rien ne doit m’y retenir. Désormais, je vais rester chez moi et travailler avec le peuple pour les élections de 2025 », a-t-elle déclaré.

Une Église divisée face aux réalités du pays

La position de neutralité prônée par Billa Mbella Alexandre se veut une réponse aux tensions croissantes à l’approche du scrutin présidentiel, dans un pays où les divisions sociales et politiques sont profondes. Le président de l’Eec a rappelé que les déclarations non encadrées pourraient « semer le trouble dans l’esprit de l’opinion publique en général et des chrétiens en particulier ». Cependant, pour de nombreux fidèles, ce silence est perçu comme une forme de complicité face à la misère et à l’injustice. Le contraste avec l’Église catholique, dont les évêques ont ouvertement critiqué la gouvernance et appelé à un changement, est frappant.

Le Cameroun, toujours dans l’attente d’une confirmation de la candidature de Paul Biya, reste au cœur de débats où la voix des Églises joue un rôle crucial. Si l’Église catholique a décidé de s’impliquer dans les questions politiques, l’Église Évangélique du Cameroun fait un pari risqué en s’abstenant. Une posture qui, loin d’apaiser, semble exacerber les divisions internes et les frustrations au sein même de ses rangs.

Source: Le Messager n°8439 du 20 janvier 2025