Amadou Vamoulké : un témoignage poignant à Jeune Afrique depuis les tréfonds de Kondengui

Depuis sa cellule de prison

Mon, 4 Sep 2023 Source: www.camerounweb.com

Dans une interview exclusive accordée à Jeune Afrique, Amadou Vamoulké, l'ancien directeur de la télévision publique camerounaise, partage son récit émouvant depuis sa détention à Kondengui, revenant sur son arrestation, les accusations portées contre lui et les vicissitudes de son long calvaire judiciaire.

Le 29 juillet 2016, la vie d'Amadou Vamoulké a pris un tournant dramatique lorsqu'il a été incarcéré sous des allégations de détournement de fonds publics. Cela a marqué le début d'une trajectoire judiciaire exceptionnellement difficile, parsemée de plus d'une centaine d'apparitions devant les tribunaux, rapporte Jeune Afrique

Il indique dans son témoignage au Magazine Jeune Afrique que déjà un mois avant son arrestation, des rumeurs tourbillonnaient dans la capitale camerounaise, Yaoundé. Un journal local avait même fait la une avec le titre : "Amadou Vamoulké sur le chemin de Kondengui". Des diffamations à son encontre se multipliaient sur les plateaux de télévision.

Les allégations contre lui prétendaient qu'il était en train de créer une chaîne de télévision au Tchad, une affirmation qu'il a catégoriquement niée. Les insinuations visaient à créer une image de richesse mal acquise à l'étranger, l'accusant ainsi de malversations financières liées à la perception de la redevance audiovisuelle, soit de détournement de fonds publics.

Ces accusations ont conduit à son limogeage de son poste de directeur général de la CRTV, l'organisme public camerounais de radio-télévision, le 29 juin 2016. Cependant, ce n'était que le début d'une descente aux enfers. Un mois plus tard, il a été convoqué par le juge d'instruction du Tribunal criminel spécial (TCS), précise JEUNE AFRIQUE

Son avocat, habitué à défendre l'État, lui a remis la veille une lettre du ministre de la Justice, Laurent Esso, l'incitant à ne pas prendre en charge son dossier. C'était un mauvais présage. Le 29 juillet, il s'est rendu au TCS en réponse à la convocation, seulement pour découvrir qu'un véhicule de Kondengui était déjà stationné près du bureau du juge.

L'enchaînement des événements a été précipité. Le juge a prétendu qu'Amadou Vamoulké n'avait pas de domicile connu, une allégation erronée, et a ordonné sa mise en détention provisoire pour garantir sa disponibilité devant la justice.

La descente aux enfers a continué lorsqu'il a été embarqué à bord d'une camionnette par un gendarme et un policier armés. Son avocat lui avait alors annoncé qu'il n'y avait rien à faire, que tout était fini, et qu'il lui ferait signe. Sept ans se sont écoulés depuis ce jour, et ce signe n'est jamais venu. On lui a même dit que son avocat avait eu des problèmes judiciaires et qu'il avait préféré ne pas s'impliquer davantage en le défendant.

Dès son arrivée à la prison principale de Kondengui, il a été dirigé vers les quartiers spéciaux, où il a croisé d'anciens hauts fonctionnaires de l'État et même des ministres, certains logés à deux par cellule dans le quartier 13, qui ont organisé des visites pour le soutenir. Lui, a été placé dans une cellule exiguë de 3 mètres carrés, conçue pour loger au moins dix personnes, avec des lits superposés de 30 cm de largeur sur environ 1,50 mètre de longueur.

Les dix-huit premiers mois de sa détention se sont écoulés sans qu'aucun progrès ne soit enregistré dans son dossier. Puis, il a été de nouveau convoqué, et son procès a commencé lentement. À chaque audience, il y avait un nouveau renvoi d'un mois, pour en totaliser environ une centaine, au point que les Nations unies ont rendu en 2020 un avis considérant sa détention comme "arbitraire".

Ses accusateurs, dépourvus de preuves tangibles et de témoins, ont cherché à incriminer une collaboratrice qu'il avait recrutée, mais celle-ci a affirmé qu'il ne lui avait jamais demandé un centime. Ils ont alors tenté de la mettre en cause pour "complicité", et elle a passé un an en prison avant d'accepter de coopérer. Depuis lors, elle a été libérée, tandis qu'Amadou Vamoulké demeure en prison, un destin qu'il partage avec tant d'autres injustement accusés.

Le témoignage d'Amadou Vamoulké met en lumière les enjeux de la justice et des droits de l'homme au Cameroun, soulevant des questions sur l'équité et la transparence du système judiciaire du pays.

Son histoire poignante continue d'attirer l'attention et de susciter la préoccupation de la communauté internationale, qui espère ardemment que justice lui sera rendue et que sa détention prendra fin.

Source: www.camerounweb.com