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Annonces de Paul Biya : Impact insignifiant

4528 Paul Biya311215600 Paul Biya (Archives)

Tue, 5 Jan 2016 Source: Le Jour

Paul Biya a décidé d’enlever 20 F.cfa sur le litre du Super et 25 F.cfa sur le gasoil. Ces mesures jugées insignifiantes sont effectives depuis le 1er janvier dernier.

D’abord une curiosité. Le discours de Paul Biya à la nation n’intéresse pas tout ses « chers compatriotes ». 72h après sa prise de parole, certains Camerounais- vivants à Yaoundé-  ne sont pas au courant de ce qu’il a dit dans son adresse le 31 décembre dernier. Et ce, malgré la diffusion en boucle de ce discours par la Crtv radio et télé. Certains Camerounais sont déconnectés de gré. Le reporter l’a appris à ses dépens hier dimanche sur le terrain de la collecte de l’information. Un taximan, Paul Nlend, qui nous embarque à la Cité verte pour Nlonkak n’est pas au courant de cette baisse des prix du carburant. « On a rien augmenté. J’ai consommé hier non» dit-il, serein. Et lorsque le reporter insiste pour lui dire que c’est effectif, et que c’est une initiative du Président de la République contenue dans son discours du 31 décembre, il se tait, mais ne croit pas.

Au niveau de Madagascar,  une station service, Total, affiche les nouveaux prix sur son enseigne lumineuse. Nlend regarde et se corrige : « C’est sûr que c’est ce matin qu’ils ont fait ça ». Mais très vite, il fait ses petits calculs et se rend compte que le prix du super baisse de 20 F.cfa. Il éclate de rire. Un rire narquois. «Popaul (Paul Biya Ndlr) est fort. 20 F.cfa de moins par litre. Je dis hein mon frère, tu connais un seul article qu’on peut acheter à 20 F.cfa au Cameroun. Même la cola qu’on vend en route là, tu as déjà vu quelqu’un vendre ça à 20 F.cfa », s’interroge t-il, pour justifier son rire. « Comment un président peut-il aller à la télé parler de 20 F.cfa », ajoute t-il avant d’être corrigé par ses clients qui lui disent que Paul Biya n’a parlé de 20 F.cfa. « Cette baisse est insignifiante », conclut-il.

Il est sans doute l’un des derniers à être informé de la mesure. Plusieurs de ses collègues sont au courant. Hier vers midi, ils étaient réunis à la station Total de Madagascar. C’était l’heure de «passe », qui consiste pour les chauffeurs de céder le taxi aux autres chauffeurs de « secours » qu’on désigne là bas par « mercenaires ». Ils sont là depuis midi. C’est un grand moment de retrouvailles et de convivialité. Ils sont assis en petit groupes. Certaines ont une bouteille de bière entre les mains, d’autres la cigarette, d’autre encore des plats de taro ou une tasse de lait caillé. Parmi eux c a m e r .b e, Alain Njikam. Ses cheveux sont broussailleux, la mine défaite. Il s’est fait servir une tasse de lait qu’il boit avec appétit. Il vient de céder son taxi à son « mercenaire ». Il va se reposer après avoir roulé depuis 5h du matin.

Il a parcouru dit-il, 140 km. Il a « complété » à 7000 F.cfa le carburant pour que le « mercenaire » puisse prendre le taxi avec un réservoir plein. Il a aussi versé la recette de cette demi-journée qui est de 5000 Fcfa. Il s’apprête à rentrer chez lui muni de ses trois mille, certes amputés de 300 F.cfa, le prix du lait qu’il est en train de boire. Contrairement à son attitude quelque peu légère, il a une analyse plutôt élitiste de la situation économique nationale et internationale. « L’augmentation de 20 F.cfa du prix de carburant ne change rien dans le quotidien de Camerounais. Voyez-vous quand le gouvernement décide d’augmenter le prix, c’est environ 100 Fcfa, la logique voudrait que lorsqu’il faut baisser, il faut suivre le même rythme. Et puis, vous le savez, ce n’est pas une gentillesse, le prix du baril du pétrole a baissé depuis combien de temps sur le marché international.

Pourquoi, c’est maintenant que chez nous on juge nécessaire de le faire et de manière insignifiante », se fâche t-il en buvant son petit lait. Un de ses camarades qui s’invite au débat, estime lui qu’il s’agit d’une moquerie.

Le prix du taxi

A contrario, chez les motos taxi, même si certains pensent qu’il est tôt pour évaluer l’impact de l’initiative du chef de l’Etat. « A chaque fois que je fais le plein de ma moto, je gagne environ 200 Fcfa et je le fais presque chaque jour. Donc grâce à cette baisse je peux avoir deux cents de plus. C’est insignifiant, mais ce n’est pas rien », se félicite Ali, moto taximan. Les usagers, eux, souhaitent une baisse du prix du transport. « Dans toutes les économies, si on veut baisse le coût de la vie, on baisse le prix du carburant et on croise les bras, le reste suit normalement », analyse Habou Naka. Mais il ne faut pas s’attendre à une quelconque baisse du prix de transport urbain. « Est ce qu’on paye même le taxi. Officiellement, le prix c’est 250 Fcfa, mais les clients continuent de proposer les 100. Et si tu ne les prends pas, tu vas continuer à rouler à vide. Donc, il y aura rien. En tout cas, si l’Etat veut qu’on baisse, il n’a qu’a baisser aussi de manière conséquente le prix du carburant », pense un chauffeur.

En rappel, le surcroît de production par rapport à la demande a entraîné une chute des cours du pétrole de près de 70% depuis 2014. Au premier trimestre de cette année, selon les experts, on risque d’atteindre la barre de 35. C’est dans cette conjoncture que le Président de la République décide de revoir à la baisse les prix du carburant à la pompe ; et revoir à la hausse le montant des allocations familiales versées aux travailleurs ». Ces mesures ont pris effet depuis le 1er janvier 2016…

Source: Le Jour