Après la disparition de Mgr Bala, un autre évêque disparait en Chine

Religion Certaines rumeurs accréditent la thèse d’une détention dans une résidence de la police

Sun, 11 Jun 2017 Source: lacroix.fr/cameroonweb

Après la disparation tragique de Mgr Bala au Cameroun, on assiste à celle de l’évêque de Wenzhou qui aussi reste mystérieuse. C’est à croire que le sort s’acharne sur ces prélats qui n’ont pas leur langue dans la poche. Tout comme Mgr Bala, l’évêque de Wenzhou, Mgr Pierre Shao Zhumin ne manquait aucune occasion pour dénoncer certaines dérives au sein de sa communauté et surtout celle des autorités chinoises. Une chose que beaucoup de ses pairs ne pouvaient supporter encore longtemps et surtout le régime communiste chinois.

Depuis sa convocation, le 18 mai, par le bureau des affaires religieuses locales de la province côtière du Zhejiang, Mgr Pierre Shao Zhumin n’a presque plus donné de nouvelles à ses proches.

Sa probable détention, la quatrième depuis septembre, semble entraver un peu plus la sinueuse tentative de réconciliation, amorcée ces derniers mois par le Vatican, entre les communautés chrétiennes « officielles » et « clandestines » chinoises.

Il y a moins de deux mois, juste avant Pâques, Mgr Pierre Shao Zhumin avait déjà été gardé en détention plusieurs jours durant. Tout récemment, des prêtres du diocèse de Wenzhou, sur la côte est de la Chine, se sont à nouveau inquiétés de la disparition, depuis le 18 mai, de leur évêque. Depuis trois semaines, celui-ci n’a presque plus donné de nouvelles à l’issue d’une « invitation » – qui s’apparente plus, en l’occurrence, à une convocation – formulée par des fonctionnaires du bureau des Affaires religieuses locales.

Très peu d’informations circulent sur sa situation actuelle. Certains de ses proches – dont sa mère, une nonagénaire qui a lancé un appel pour que « lui soit rendu son fils » – ont manifesté publiquement leur inquiétude sur la messagerie WeChat, très prisée dans le pays. Depuis l’annonce de sa nomination à la tête du diocèse, en septembre dernier, c’est la quatrième fois que Mgr Shao Zhumin disparaît ou est provisoirement incarcéré.

Détenu par la police de Whenzou ?

Selon les informations relayées par par le site le site Églises d’Asie et l’agence catholique asiatique UCANews, Mgr Pierre Shao Zhumin se serait bien rendu, vers 21 heures, à son entretien avec les autorités locales. Le lendemain, il aurait fait savoir, par message, qu’il avait besoin de « vin de messe ». Depuis, il n’est plus joignable. Certaines rumeurs accréditent la thèse d’une détention dans une résidence de la police de Wenzhou. Le bureau des Affaires religieuses locales incriminé ne s’est pas, jusqu’ici, exprimé publiquement sur le sujet.

Dans le pays, les relations entre les catholiques « officiels » et « clandestins » demeurent complexes. Depuis l’avènement de la République populaire de Chine, en 1949, le gouvernement du pays a interdit toute ingérence étrangère dans le fonctionnement des Églises. Ce qui a conduit à une dissension entre les catholiques dits « officiels » – nommés par le régime, et qui ne reconnaissent pas l’autorité du Vatican –, et les « clandestins » restés fidèles à Rome. Depuis le début du pontificat du pape François, Rome et Pékin ont entamé des négociations pour s’accorder sur le processus de nomination des évêques catholiques en Chine.

Plusieurs pressions des autorités locales

« Beaucoup de personnes, au sein de l’Église catholique, sont très sceptiques quant à l’aboutissement d’un éventuel accord de normalisation des relations : ils pensent que cela reviendrait à abandonner tout contrôle sur d’importants enjeux, tel que celui de la nomination des évêques », explique Ian Johnson, journaliste et chercheur spécialiste de la question religieuse en Chine (1). « Au sein de l’Église clandestine chinoise, les membres du clergé qui sont restés loyaux au Vatican depuis des années se sentiraient aussi profondément trahis par un tel accord. Et la récente disparition de Mgr Shao Zhumin témoigne encore de la réticence du parti communiste chinois à avancer vers un compromis », poursuit-il.

Exil à 2 500 kilomètres de Wenzhou début septembre, détention avant Pâques… Malgré sa reconnaissance officielle par le Vatican, réaffirmée publiquement en septembre dans un communiqué de presse, Mgr Shao Zhumin – évêque coadjuteur « clandestin » de Wenzhou depuis 2009 et donc automatiquement nommé en septembre à la tête du diocèse, comme le prévoit le droit canonique, après le décès de son prédécesseur « officiel » Mgr Vincent Zhu Weifan – a en effet déjà subi plusieurs pressions, ces derniers mois, exercées par les autorités communistes de la province.

Une province « plus antichrétienne que d’autres »

Ces détentions successives seraient-elles des tentatives d’intimidation ? « Il faut être prudent dans nos exercices de divination qui prétendent expliquer ce qui se passe en Chine : le pays est très grand, son administration complexe », met d’emblée en garde Michel Chambon, théologien et spécialiste du christianisme chinois, actuellement dans le pays. « La situation autour de Mgr Shao Zhumin, et de son diocèse, est compliquée : tout n’est pas blanc ou noir », précise-t-il encore.

« Il faut déjà bien comprendre que la politique religieuse en Chine est régie par les autorités municipales, provinciales et régionales, et non vraiment directement par le pouvoir central : or, celles du Zhejiang, dont dépend le diocèse de Wenzhou, sont réputées pour être pro-bouddhiques et plus antichrétiennes que les autres », poursuit le chercheur, en mettant toutefois en garde contre les « rumeurs de persécutions de chrétiens dans la région ».

Source: lacroix.fr/cameroonweb