Arrestation et prison: Rodrigue Tongué pousse Paul Atanga Nji dans ses derniers retranchements

Le Prisonnier Atanga Nji.jpeg Image illustrative

Fri, 10 Oct 2025 Source: www.camerounweb.com

Lors d'une conférence de presse à Yaoundé ce vendredi, le journaliste Rodrigue Tongué a confronté le ministre de l'Administration territoriale sur ses menaces voilées. Un échange révélateur à 48 heures du scrutin présidentiel.

La conférence de presse du ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, prévue pour rassurer sur l'organisation du scrutin du 12 octobre, a viré à l'affrontement verbal ce vendredi à Yaoundé. Face aux questions directes du journaliste Rodrigue Tongué, le ministre a fini par révéler le fond de sa pensée sur l'opposition camerounaise, dans un échange qui restera dans les annales de cette présidentielle 2025.

Tout commence par une question précise de Rodrigue Tongué : "Tout à l'heure vous avez parlé de la task force de Garoua, d'un candidat qui serait retranché à Garoua, dans sa résidence." Le ministre réplique immédiatement, sur la défensive : "Je n'ai pas parlé d'un candidat qui est retranché dans sa résidence. J'ai dit 'un candidat qui va se retrancher', sans prononcer la localité."

Mais le journaliste ne lâche pas prise et enfonce le clou avec deux questions qui provoquent un silence gêné dans la salle : "Est-ce que vous parlez de Tchiroma sans pouvoir l'assumer, par crainte ? Pour terminer : Pourquoi organiser des élections qui coûtent des centaines de milliards, alors que vous, Monsieur le ministre, vous connaissez déjà le vainqueur ?"

La référence à Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre devenu candidat de l'opposition et originaire de Garoua, ne fait plus aucun doute. Les rires nerveux qui suivent dans la salle, selon le média Médiatude qui a capté l'échange, témoignent du malaise créé par cette confrontation directe.

Dans sa réponse, Paul Atanga Nji assume sa stratégie de communication par l'intimidation voilée : "Quand le Minat parle, je ne prononce jamais le nom de quelqu'un. Je donne des indications. J'emploie beaucoup la métaphore, beaucoup la caricature — et chacun se retrouve dans mes propos."

Le ministre revendique une méthode de gouvernance sans nuance : "Je travaille sans état d'âme. Je n'ai pas d'amis." Il précise ensuite son propos en désignant plus clairement sa cible : "Je parle d'un candidat qui a évoqué ses relations avec les terroristes. Il a dit qu'il terminerait sa campagne dans sa région natale, et que c'est à partir de là qu'il allait s'autoproclamer vainqueur."

Paul Atanga Nji ressort alors une expression qui a fait sa réputation en 2018 : le "pays du Si je savais", euphémisme pour désigner la prison. "En 2018, j'avais dit que quelqu'un se retrouverait au pays du 'Si je savais' — il s'y est bien retrouvé", rappelle-t-il avec satisfaction.

Le message est limpide : "C'est la même chose pour ceux qui seront tentés de perturber le scrutin présidentiel : ils se retrouveront dans ce pays, et ce sera pour une très longue durée." Une menace d'emprisonnement prolongé pour quiconque oserait contester les résultats du scrutin.

Mais c'est sur la fin de son intervention que le ministre lâche la phrase qui fera les gros titres. Interrogé sur sa connaissance présumée du vainqueur, Paul Atanga Nji botte d'abord en touche : "Le Minat ne peut pas dire qui va gagner l'élection. Ce n'est pas mon rôle. Mais je peux vous dire, arrondissement par arrondissement, qui a fait campagne où. J'ai la carte électorale."

Puis, dans un moment de franchise brutale, il conclut : "Ce n'est pas moi qui ai dit que le Cameroun a l'opposition la plus bête du monde..." Cette citation, dont il se défausse tout en la reprenant à son compte, résume le mépris affiché du pouvoir envers ses adversaires politiques.

L'échange témoigne du courage du journaliste Rodrigue Tongué qui, contrairement à beaucoup de ses confrères dans une salle visiblement acquise au ministre, a osé poser les questions qui fâchent. Sa référence à Issa Tchiroma — ancien poids lourd du régime Biya devenu opposant — touche manifestement une corde sensible.

En demandant si le ministre parlait de Tchiroma "sans pouvoir l'assumer, par crainte", Rodrigue Tongué met le doigt sur un paradoxe : comment le tout-puissant ministre de l'Administration territoriale peut-il menacer sans oser nommer, user de métaphores là où la franchise serait de mise ?

Cet échange, rapporté par Médiatude, en dit long sur le climat politique à la veille du scrutin. D'un côté, un pouvoir sûr de sa force, qui menace ouvertement tout contestataire potentiel et affiche son mépris pour l'opposition. De l'autre, des journalistes dont certains osent encore poser des questions dérangeantes, malgré les risques.

Le silence et les rires nerveux qui ont ponctué les questions de Rodrigue Tongué témoignent de la tension dans la salle. Chacun comprend que derrière les métaphores du ministre se cache une réalité bien concrète : la répression de toute tentative de contestation des résultats.

Que Paul Atanga Nji vise ou non explicitement Issa Tchiroma — ce qu'il ne confirme ni n'infirme — le simple fait que le nom de l'ancien ministre soit évoqué dans ce contexte est révélateur. Tchiroma, artisan de la victoire de Paul Biya en 2018 avec son slogan "Biya ou le chaos", est devenu une figure de l'opposition.

Sa transformation d'apparatchik zélé en opposant représente pour le régime une trahison impardonnable. Les allusions répétées du ministre, même voilées, montrent que le pouvoir n'a pas digéré ce retournement et reste déterminé à empêcher toute contestation, d'où qu'elle vienne.

Cet échange de vendredi fixe les règles du jeu pour l'après-12 octobre : aucune contestation ne sera tolérée, les métaphores du ministre se transformeront en réalité carcérale pour qui osera défier le pouvoir, et l'opposition est prévenue qu'elle est considérée comme "la plus bête du monde" par ceux-là mêmes qui sont censés garantir l'équité du scrutin.

Entre les rires nerveux et les silences gênés de cette conférence de presse, c'est toute l'ambiguïté de la démocratie camerounaise qui se révèle : des élections à plusieurs centaines de milliards de francs CFA, mais un ministre qui dispose déjà de "la carte électorale" et sait "qui a fait campagne où". Une opposition autorisée à concourir, mais qualifiée de "bête". Un pluralisme de façade, mais la prison promise à qui contestera.

Source: www.camerounweb.com