Qui a assassiné Martinez Zogo ? Pour de nombreux observateurs, cette question trouvera sa réponse sans doute dans les tout prochains jours, au regard du tournant décisif que vient de prendre l’enquête en cours. Une version qui a d’ailleurs pignon sur rue tous ces derniers jours, fait état de ce que le journaliste d’investigation aurait été réduit au silence à cause des dénonciations faites quelques temps avant la découverte de son corps mutilé, à quelques encablures de la cité capitale.
C’est également cette version qui est aujourd’hui partagée par de nombreux observateurs qui ne manquent pas de questionner au passage, le timing avec lequel se sont déroulés les évènements. Tenez par exemple, le 22 décembre 2022, l’on assiste à la sortie de la lettre-dénonciation de Martinez Zogo. Le 8 janvier 2023, votre journal relaie l’information, avec à la solde, une convocation servie le 12 janvier au directeur de publication (Dp) du journal La Nouvelle par le commissaire divisionnaire, chef de la division régionale de la police judiciaire (Drpj) du Centre. C’était à la suite d’une plainte déposée par Jean Pierre Amougou Belinga, pour « diffamation ».
Le 17 janvier 2023, Martinez Zogo sera porté disparu, la veille même du jour où le Dp du journal La Nouvelle est censé se présenter à la Drpj. 5 jours plus tard, le corps sans vie de Martinez Zogo sera découvert à Ebogo III, près de Soa, le 22 janvier 2023, soit un mois exactement après la sortie de la lettre-dénonciation. En effet, dans le document rendu public par Martinez Zogo, contenant près de 150 pages, le journaliste d’investigation va faire part à l’opinion publique, ainsi qu’à certains responsables d’institutions régaliennes, des dénonciations mettant en cause le président directeur général du groupe l’Anecdote, Jean Pierre Amougou Belinga. Il est ainsi adressé au ministre délégué à la présidence de la République chargé du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe).
Plusieurs autres institutions en seront d’ailleurs ampliataires, notamment, le secrétariat général à la présidence de la République (Sgpr), les services du Premier ministre, la Conac, l’Anif, la Cour suprême, le Tcs, la Dgre, la Dgsn, le Sed, la Chambre des comptes, y compris certains patrons de médias. Seulement, une fois au courant de cette information, votre journal, pour y voir plus, va opter d’adresser des demandes d’information datées du 27 décembre 2022, d’abord à Jean Pierre Amougou Belinga, ensuite au ministre de la Justice, Laurent Esso, et enfin à Louis Paul Motaze, le ministre des Finances. Toutes ces demandes vont d’ailleurs rester sans suite. Comme quoi, « qui ne dit rien est prudent », entendons dire ces derniers temps. Passons !
MARCHES FICTIFS
Pour revenir au document en question, il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’auteur a fouiné auprès de plusieurs services compétents, aussi bien au Minfi, qu’auprès de certaines banques, pour finalement mettre en exergue toutes ces transactions opérées dans le cadre des marchés effectués par les sociétés appartenant à Jean Pierre Amougou Belinga. Le journaliste d’investigation va même constater que le Pdg du Groupe l’Anecdote a bénéficié, à travers ses entreprises, d’importants paiements évalués à plus de 46 milliards Fcfa sur la période allant de 2013 à 2021. Parmi ces sociétés, inconnues de l’administration fiscale, comme l’avait mentionné Martinez Zogo, l’on retrouve les Ets Africa Express, Trading Services, Tour d’Horizon, Ets Nkoum Foufo, Ets Tls, Ets Le Crédit, Ets Le Progrès, Ets Rangers Security. Avec une précision déconcertante, Martinez Zogo va affirmer dans sa lettre dénonciation que les différents paiements octroyés à ces entreprises avaient été effectués à partir des chapitres budgétaires 65 (21 milliards Fcfa) ; 57 (17,3 milliards Fcfa) ; et 94 (8,5 milliards Fcfa). Des opérations exécutées via le compte bancaire n° 1 0 0 0 5 0 0 0 10171538100134 logé à la Régionale d’Epargne et de Crédit et appartenant à Vision Finance, inscrit dans les livres de la société Afriland First Bank.
Dans ses investigations, Martinez Zogo va même découvrir qu’aucune copie des marchés mis en cause n’existe nulle part dans les différentes cellules d’enregistrement des marchés, que ce soit pour les lettres commande ou encore les bons de commande. Ce qui, selon le journaliste d’investigation, a créé, en termes de droits d’enregistrement, un manque à gagner à l’Etat du Cameroun de près de 1,9 milliards Fcfa. Et pour lui donc, il s’agissait tout simplement de marchés fictifs. Si au niveau de la Dsp, le principal responsable de cette structure a toujours nié toute implication, Martinez Zogo va davantage orienter son enquête au niveau de la Direction générale du Budget (Dgb) pour s’assurer de l’existence physique des marchés en question.
Martinez Zogo va également découvrir que Jean Pierre Amougou Belinga aurait bénéficié, à travers la société Agence forestière du Cameroun (Afc), d’un paiement évalué à 8 milliards Fcfa au titre des frais de condamnation de l’Etat du Cameroun, dans le cadre d’un contentieux qui l’aurait opposé à ladite société. Seulement à la suite de ses recherches auprès des juridictions compétentes, le journaliste d’investigation va se rendre compte qu’il n’existe aucun contentieux, encore moins une décision de justice y afférente. Mais seulement le paiement de cette somme d’argent sera effectué à travers le compte N° 10005000 10171538100134, appartenant à Vision Finance et logé à Afriland First Bank, pour le compte de la société Afc. Pour le journaliste d’investigation, toutes ces transactions n’ont jamais été déclarées au fisc. Serait-ce alors à cette aune qu’on a assisté à tous ces redressements fiscaux dont a fait l’objet le Groupe l’Anecdote ? Evitez surtout de suivre notre regard!