Un camp de l'armée malienne a été visé par une attaque suicide à Gao vendredi, au lendemain d'une double attaque imputée aux jihadistes.
La veille, dans un communiqué, le gouvernement malien annonçait que soixante-quatre personnes dont 49 civils et 15 soldats ont été tuées jeudi dans deux attaques qualifiées de "terroristes" par le document.
Les deux attaques distinctes ont visé "le bateau Tombouctou" sur le fleuve Niger et "la position de l'armée" à Bamba, dans la région de Gao (nord).
A lire aussi sur BBC Afrique:
Human Rights Watch dénonce l'exécution des civils au Mali
Le Mali fait partir les troupes de l'Onu et laisse la voie libre à Wagner, mais à quel prix ?
Mali : Tension à Tombouctou
L'attaque de Bamba a été revendiquée jeudi par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM ou Jnim selon l'acronyme arabe), alliance jihadiste affiliée à Al-Qaïda, sur la plateforme de propagande Al-Zallaqa, selon SITE, une ONG américaine spécialisée dans le suivi des groupes radicaux.
Les deux attaques ont été "revendiquées" par le GSIM, a confirmé le gouvernement dans son communiqué. La riposte de l'armée a permis de "neutraliser une cinquantaine de terroristes", selon Bamako
Un deuil national de trois jours a été décrété, à compter de ce vendredi.
Le "Tombouctou" ciblé
Le bateau, de la compagnie malienne de navigation (Comanav, publique), a été attaqué dans le secteur de Gourma-Rharous, entre Tombouctou et Gao, avait précisé plus tôt l'armée malienne sur les réseaux sociaux.
Le bateau a été visé par "au moins trois roquettes tirées contre le moteur", a indiqué à l'AFP la Comanav, qui assure avec quelques bâtiments une importante liaison sur plusieurs centaines de kilomètres de Koulikoro, près de Bamako, jusqu'à Gao, en passant par les grandes villes sur le fleuve.
Plusieurs passagers se sont jetés à l'eau dès les premiers tirs contre le navire, a indiqué à l'AFP un responsable de la Comanav.
Des soldats se trouvaient à bord en guise d'escorte, dans le contexte de menace sécuritaire qui règne dans la région, a déclaré un responsable militaire.
Que disent les autorités maliennes sur le rapport accablant de Human Rights Watch ?
La mission des Nations unies au Mali a-t-elle été un succès ?
Recrudescence des attaques au Nord Mali
Ces assauts interviennent quelques semaines après que le GSIM ait annoncé, début août, imposer un blocus à Tombouctou.
Ulf Laessing, directeur du programme Sahel à la Fondation allemande Konrad Adenauer estime que ces attaques sont des signes d'une escalade de la crise au Nord du Mali, alors que les casques Bleus de l'ONU quittent le pays. C'est également pour lui une conséquence du départ des forces françaises. Ulf Laessing avertit que le Mali pourrait dans les prochains mois connaitre des attaques similaires.
Rappelons que la mission de l'ONU (Minusma), poussée à partir du Mali par la junte au pouvoir, vient de quitter deux camps proches de Tombouctou, Ber et Goundam, transférés aux autorités maliennes.
Cette prise de contrôle par l'Etat malien a donné lieu à des combats avec les jihadistes, mais aussi des accrochages avec les ex-rebelles touareg.
Les militaires maliens ont également contraint à quitter le pays la force antijihadiste française en 2022 et la mission de l'ONU en 2023. Les autorités de Bamako se sont tournés militairement et politiquement vers la Russie. Pour Ulf Laessing, la Russie à travers le groupe Wagner ne doit pas être considérée comme une alternative sécuritaire viable d'autant plus qu'elle est accusée de violations des droits de l'homme.
Comment la Russie remplace la France dans ses anciennes colonies d'Afrique
Comment comprendre la recrudescence des attaques armées au Mali ?
Un nouveau mode opératoire
Ce n'est pas la première fois que les assaillants visent un navire dans la région.
En début du mois de septembre, un bateau avait déjà été attaqué à la roquette dans la région de Mopti, plus au sud, faisant un mort, un enfant de 12 ans, et deux blessés.
Soumaila LAH, le Coordinateur national de l'Alliance citoyenne pour la réforme de la sécurité, explique que c'est le contexte qui impose ce type d'attaque. "C'est un nouveau modus operandi de la part des groupes armés terroristes."
Les voies terrestres qui mènent vers le nord sont soit sous les coups de groupes armés soit font l'objet de blocus et sont très dangereuses en terme de transports.
Ulf Laessing, de la Fondation Konrad Adenauer, renchérit en expliquant que le recours au bateau est "c'est la solution principale et c'est le moyen primordial de transport de marchandises et de passagers."
Les populations empruntent de plus en plus le bateau pour se rendre au nord. C'est cette nouvelle configuration qui a attiré l'attention des groupes d'armées terroristes ; objectif : créer la psychose.
Pour Soumaila LAH, "les groupes armés terroristes veulent faire comprendre aux populations que les bateaux ne sont pas non plus une assurance pour arriver à bon port."
Le Coordinateur national de l'Alliance citoyenne pour la réforme de la sécurité pense que l'armée malienne gagnerait à renforcer désormais sa présence à bord de ces bateaux pour limiter les attaques terroristes.