La situation se passe de commentaires. La route est quasi bouchée avec les motocyclistes et les véhicules qui essayent de passer. Les récentes pluies n’ont vraiment rien arrangé. Tout est coincé et la vie est dure sur cette voie.
Le lanceur d’alerte N’zui Manto se contente d’écrire « les routes de Paul Biya, Douala route de PK17 ce matin, no comment » et de diffuser la vidéo .
Douala-Bafoussam, la route de l'enfer
Nationale n° 5. Des nids de poule et d'éléphants jonchent la chaussée dans plusieurs villes et villages situés le long de ce tronçon routier, préjudiciant aux activités économiques.
Des passagers d'un gros porteur de 70 places, appartenant à une compagnie de transport interurbain, sont pris de panique ce samedi. Ils ont quitté le centre-ville de Bafang trente minutes plus tôt à destination de Douala. Le véhicule négocie péniblement la traversée d'un large trou formé au milieu de la chaussée, à quelque vingt mètres du pont sur le fleuve Nkam. Les eaux de ce cours d’eau ont la couleur du sol de latérite de cette localité du pays et elles matérialisent la frontière naturelle entre l'Ouest et le Littoral.
Le bitume est inexistant sur une vingtaine de mètres jusqu’au pont. La chaussée est littéralement coupée en deux à cet endroit. La vétusté de cette infrastructure est visible. En cette saison pluvieuse, l’ouvrage souffre de l’érosion causée par les eaux torrentielles. Un facteur auquel il faut ajouter l'absence de la rigole pour évacuer les eaux. La voiture bascule dangereusement de gauche à droite à chaque fois que les roues entrent ou sortent du trou, qui s'est agrandi et a fini par laisser la place à un énorme nid d'éléphant.
Il y a des semaines voire des mois que la chaussée s'est ainsi dégradée au vu et au su de tous, dans la plus grande indifférence des autorités. D'ailleurs, tout près de la crevasse, un autre gros porteur est immobilisé ce même samedi. Les passagers ont déserté le véhicule visiblement tombé en panne au mauvais endroit. De l’avis de plusieurs riverains, les voitures qui s’aventurent sur cette route courent d’énormes risques. La traversée du centre urbain de Kékem est un parcours du combattant pour les usagers de ce tronçon routier. Des nids de poule jonchent la chaussée à plusieurs endroits. Les voitures roulent au pas de tortue sous peine d’endommager leurs roues et leurs amortisseurs.
Vitesses, accidents de la circulation. Pourtant, en dépit de ce piteux état, certains conducteurs insouciants et irresponsables se risquent à rouler à tombeau ouvert, mettant en péril leur vie et celle des autres occupants de leur voiture. À 17h40 ce 1er juillet, peu après le carrefour Baré-Bakem, la présence massive des populations sur le bord de la route aiguise notre curiosité. Nos soupçons se confirment finalement lorsque nous apercevons un pick-up de la gendarmerie garé derrière l’habitacle de deux petites voitures, l'une de couleur verte et l'autre de couleur bleue. Les deux véhicules sont entrés en collision. Le face-à-face violent a totalement endommagé le capot et la carrosserie de la voiture, tout comme la portière du chauffeur.
Dans notre bus, des voyageurs se laissent aller à des supputations. « Je pense que cette collision est due à l'excès de vitesse », lance un jeune homme. Au vu de l'état de l’épave, on peut deviner que la violence du choc s’est révélée fatale pour au moins un occupant de la voiture verte. Mais ce n’est qu’une conjecture, car le conducteur de notre gros porteur n’a pas daigné marquer un temps d’arrêt pour permettre à ses occupants de s’enquérir du bilan humain de ce face-à-face. Les accidents sont monnaie-courante sur cette nationale. L'un des accidents les plus récents enregistrés remonte à un mois et demi, selon un conducteur de bus que nous avons rencontré à l’agence Papa Gassi, qui dessert le tronçon Douala-Bafang. Deux voitures, dont un bus transportant des touristes, étaient entrées en collision alors que chacune d’elles esquivait des crevasses sur la chaussée. L’accident avait coûté la vie à des occupants du véhicule de tourisme et fait plusieurs blessés, à en croire ce conducteur rencontré à l’agence Papa Gassi au quartier Grand-Moulin à Douala.
Encore une fois, le mauvais état de la chaussée avait été pointé du doigt. Mi-août courant, trois accidents sont survenus en l’espace de trois jours non loin du poste de péage de Mbanga, à des endroits distants d’à peine cent mètres, selon nos informations. Le premier survenu au cours d’une nuit du jeudi au vendredi, avait coûté la vie à au moins sept personnes. Il s’agissait de la collision entre une voiture de transport clando et un camion. Cette série d’accidents a préjudicié aux voyageurs en partance de Douala, qui désiraient se rendre à l’Ouest ce week-end-là. « Il y a des voyageurs qui stoppaient une voiture depuis Bonanbéri, proposaient jusqu’à 5 000 francs pour Bafang (au lieu de 4000 francs), mais les conducteurs les narguaient », raconte un témoin.
Bafang-Bandja : l’épreuve des nerfs. Samedi 09 juillet, une semaine plus tard. Le tronçon de route qui relie Bafang à Bandja est un autre chemin de croix. La chaussée est totalement défoncée ou décapée, par endroits. Pas possible de rouler sur cinq cents mètres sans rétrograder à la plus petite vitesse. Des flaques d’eau issus de pluies inondent de larges trous formés sur la chaussée où le bitume a laissé la place à la latérite. Il y a tout juste quelques mois, les habitués de ce tronçon payaient 500 francs ou 600 francs pour rallier les villes de Bafang et Bandja, un tronçon d'à peine vingt kilomètres, à en croire les chauffeurs de voitures clandos qui assurent le transport sur ce réseau.
« Si on arrange pourtant cette route, on peut faire baisser le prix du transport jusqu'à 400 francs, et les usagers ne souffriront de rien », affirme le conducteur d'une petite voiture. L’un d’entre eux recourt à l’expression satirique « Ebola manuel » pour décrire les souffrances et les manœuvres de volant auquel sont contraints les usagers de cette voie routière, et en l’occurrence les conducteurs de voitures, sous peine d’endommager leur véhicule.
Ils souffrent le martyre sans crier ni gémir. Une véritable gymnastique à l’en croire. « Avant, les gens ramassaient la terre pour remblayer les crevasses. L’opérateur économique Joseph Kadji Defosso avait payé des milliards de pénalités parce qu'il avait financé le bitumage d’une déviation de la route au niveau de Kékem, après un éboulement qui avait coupé la chaussée en deux. Il n’avait vraiment pas de choix, car il ne voulait pas que les gens passent par la ville de Santchou et contournent par Bafoussam pour prendre part aux obsèques de sa mère à Bana », soupire un sexagénaire, l’un des passagers d’une petite voiture de transport parti de Bandja pour Bafang ce 07 juillet.
Quatre péages, une dizaine de contrôles. À cause de ce mauvais état de la route, un gros porteur en provenance du Littoral et à destination de Bafang s’est renversé sur la chaussée quelques semaines plus tôt sur le tronçon situé entre les arrondissements de Banka et Bandja. Alors qu’il se risquait dans un trou rempli d’eaux de ruissellement, le véhicule a effectué un tonneau. Les passagers en sont sortis indemnes, fort heureusement. La voiture a subi d’énormes dommages, à en croire les habitants du coin. Conscients de ces souffrances, la plupart des usagers, notamment les voitures des compagnies de transport interurbain Douala-Bafoussam, évitent le tronçon routier Mélong-Bandja.
Ils préfèrent passer par la falaise de Santchou, où la circulation n’est pas non plus un parcours de santé. Le calvaire des populations de Douala et de l’Ouest débute à la pénétrante ouest. La dernière réfection de ce lot urbain n’a pas respecté le cahier de charges, qui prévoyait une route à double voie jusqu’au rond-point Békoko. Le bitumage de la double voie a pris fin en mi-chemin entre le pont sur le rond-point Bonassama, après le pont, et Békoko. Comme conséquence, des embouteillages s’enchaînent notamment au lieu-dit « Carrefour Mutzig ».
Il n’est guère souhaitable de se retrouver englué dans ces bouchons le matin et le soir, mais surtout à l’approche des weekends. Pourtant, la nationale numéro 5 est le tronçon qui bat tous les records en termes de péages routiers. On en dénombre quatre, qu’il s’agisse de Douala-Bafoussam ou de Douala-Bangangté. De nombreuses files d’attente se forment aux péages de Mbanga, de Manjo et de Bandja tous les week-ends à cause de la densité du trafic. Les contrôles de police et de gendarmerie se comptent par dizaines. Les activités économiques prennent un grand coup.
Source : Le Jour n°3987 du 25 août 2023