En moins d'une décennie, les kiosques de paris ont inondé les rues des villes du Cameroun, avec une plus grande concentration autour des universités et des lieux de rencontre des jeunes. Aujourd'hui, les applications pour smartphones permettent de parier en toute discrétion.
C’est devenu pratiquement une routine pour Joseph Mvondo. Se rendre au quartier d'Ekounou à Yaoundé puis parcourir la liste des matchs de foot qui ont lieu ce jour-là.
Et aujourd’hui, c’est pas de chance pour le jeune journaliste parieur.
« Tu espères gagner et puis après patatras…, rien. Là tu te sens mal. Parce que ça peut arriver que c’est un argent que tu avais, qui était prévu peut-être pour manger », dit-il dégoûté de devoir rebrousser chemin les poches vides.
Joseph a 27 ans. Et à cet âge, il a déjà une longue expérience des paris sportifs qu’il a découvert sur les bancs de l’école, avec ses amis.
« On a commencé tout simplement à aller au kiosque, comme tout le monde », se souvient-il.
« A l’époque, forcément on ne dort pas sans son ticket », renchérit joseph.
La légalisation des jeux d'argent au Cameroun en 1992, puis leur libéralisation quelques années plus tard, et le faible contrôle du secteur ont contribué à la prolifération des kiosques de paris dans les centres urbains.
Les jeunes Camerounais ont été les premiers témoins de l’essor d’une industrie dont ils ne se tirent pas forcément à bon compte.
« Quand je fais le ratio, naturellement… (rires) on est perdant, ça c’est sûr », affirme Joseph d’un air dépité mais ce n’est que partie remise.
Des parieurs plus jeunes à l’instar de Promise Younsi, restent optimistes quant à leurs chances.
L’étudiant en biochimie de 23 ans a aussi commencé à parier au lycée. Nous les retrouvons lui et ses amis devant la Fan Zone de l'hôtel de ville de Yaoundé dans une ambiance survoltée, le jour du premier match du Cameroun à la Coupe du monde.
Et selon lui c’est « Presque tous les jeunes », qui joue au pari sportif. « On dépend de ça. Ça nous aide beaucoup. Si on me dit que demain là, on arrête les pari foot, je ne sais pas sur quoi je vais compter maintenant-là », avoue-t-il.
« Quand il y a l’argent vous pensez juste à parier. Je ne sais pas pourquoi c’est le pari qui nous emporte, qui m’emporte le plus comme ça », regrette le jeune étudiant.
A la fin de la rencontre qui a opposé le Cameroun à la Suisse. L’ambiance est survoltée qu’au début de la rencontre.
Promise et ses amis quittent la Fan Zone, tête basse. Les Lions Indomptables se sont inclinés sur le score d’un but à zéro. Une autre mise de perdu pour Promise.
« Je suis en perte. Je suis très en perte maintenant. Pour la perte d’aujourd’hui j’ai fait une perte de 1500 francs. C’est beaucoup pour moi. C’est beaucoup », confie-t-il.
Selon une enquête locale menée en 2016, 80% des parieurs au Cameroun sont des jeunes hommes.
Si les motivations économiques peuvent être à l’origine de l’engouement des jeunes pour les paris sportifs, ils ne sont pas à l’abri des risques d’addiction.
Selon le psychologue Joël Djatche Miafo, « Il y a un circuit de récompense qui est déclenché au niveau du cerveau. Ce qui fait qu’on est toujours amené, on sera amené à produire ce comportement parce que tant que ce circuit ne voudra pas faire sa boucle, et le cerveau n’aura pas sa dose entre guillemet, il va en redemander. »
Quand le joueur ne parie pas, se manifeste lors chez lui une sensation de manque, les mêmes réactions que l’observe dans les cas d’addiction à une substance.
« C’est un peu comme ce qu’on peut appeler les signes qu’on appelle neuro végétatifs, c’est-à-dire que ça peut être la sueur, ça peut être le cœur qui bat très vite, ça peut être quelques maux de tête, ça peut être des nausées qui montent », affirme Joël Djatche Miafo.