Par Jean Robert WAFO
Soit ce communiqué relève d' une autre époque, ce qui est la preuve de ce que le ministre est totalement déconnecté des réalités sur le terrain en plus de faire dans la fiction, soit ce communiqué participe de la pure moquerie. C'est extrêmement grave dans les deux cas de figure. Le prix du carburant à la pompe a augmenté. Le litre de super est passé de 730 FCFA à 840 FCFA et celui du diesel de 720 FCFA à 828 FCFA soit une augmentation respectivement de 110 FCFA et de 108 FCFA le litre.
Il est normal qu ' un transporteur routier de passagers, en l'absence de subvention de l'État dans les différents segments de son secteur d'activité, ajuste ses tarifs en conséquence pour couvrir ses dépenses supplémentaires. Il apparaît donc évident que le prix du carburant à la pompe ayant augmenté, on peut s'attendre à ce que le coût du transport routier suive cette tendance et non l'inverse. Un exemple suffit pour comprendre que c'est l'inverse qui est entrain de se produire. Le ministre du Commerce parle de 16 FCFA le km dans le transport interurbain.
Prenons un cas simple. Douala - bafang c'est 185km ×16 = 2960 FCFA alors qu 'on payait déjà 3500 FCFA avant l'augmentation des prix de carburant. Le ministre du Commerce semble par tout simplement ailleurs ignorer ou feint d'ignorer que plusieurs critères entrent en jeu dans le calcul du coût d' un service de transport routier, et comprendre ces facteurs auraient pu aider le ministre du commerce à prendre des décisions éclairées sur la tarification du prix du transport routier interurbain de passagers au km linéaire.
1- L'état des routes La distance entre le lieu d'embarquement et le lieu de débarquement d' un passager est certes un facteur à prendre en compte mais l'état des routes est un facteur déterminant dans la tarification de transport routier de passagers entre deux villes, même si elles sont voisines. Plus l'état des routes à parcourir est mauvais, plus les frais de carburant et d'entretien du véhicule seront élevés, ce qui va forcément se répercuter sur le coût global du service. Sur un linéaire total de 121.884,7 km le Cameroun comptait officiellement en 2021 9.539,5 km de routes bitumées, l'immense majorité (92,5%) des routes du pays étant encore en terre. Selon le ministre des travaux publics, le Cameroun comptait en 2022 près de 121.668 km linéaire de routes principales dont 20.000 km de routes bitumées, l'immense majorité (84,5%) étant encore des voies en terre. Que dire du facteur saisonnalité ? En saison pluvieuse, ces routes en terre sont catastrophiques, ce qui a pour incidence de relever le prix du transport routier des passagers.
2- Entretien des véhicules et péages
Les longues distances impliquent également une usure accrue des véhicules de transport routier et peuvent entraîner des frais supplémentaires liés aux péages sur les différents axes routiers. La distance entre plusieurs villes peut être la même et le nombre de péage sur les différents tronçons diffère. La tarification devrait également tenir compte des difficultés de parcours inhérentes à la situation géographique qui sépare le lieu d'embarquement et le lieu de débarquement. Plus l'accessibilité sera difficile, plus le coût du transport sera élevé. À cela il faut ajouter la durée du voyage qui aura forcément un impact sur le nombre de voyages effectués qui aura forcément une incidence sur le chiffre d'affaires et par conséquent sur les bénéfices engrangés par l'entreprise de transport routier.
En l'absence d' un réseau de transport public collectif (routier et maritime) et du mauvais état de la voirie urbaine dans nos principales villes, il y aura également et forcément dans la pratique, que le ministre le veuille ou non, une différenciation dans les réseaux urbains et interurbains du fait des réalités du terrain et de l'élasticité de la demande. Il est regrettable que le ministre du commerce n'a pas cru essentiel de prendre en compte ces différents critères qui influencent le tarif du transport routier. Ces coûts sont généralement, inévitablement et malheureusement répercutés sur le client sous la forme d' une majoration tarifaire. Les coûts de fonctionnement et d'investissement des entreprises de transport routier de passagers qui vont forcément s'accroître avec la nouvelle hausse du carburant à la pompe auront un effet domino inéluctable sur le coût du transport routier de passagers et il est quasi-certain que le communiqué du ministre du Commerce se transformera en pétard mouillé dans la pratique sur le terrain. Au grand dam des voyageurs.
Au risque de créer le désordre dans ce segment d'activité ou de tuer les entreprises de transport routier de passagers, ce qui sera de toute évidence extrêmement préjudiciable au bas peuple, le ministre du Commerce gagnerait à engager un véritable dialogue avec les différents acteurs du secteur ainsi qu ' une concertation sérieuse avec ses collègues du gouvernement en charge des travaux publics et du développement urbain pour une meilleure prise en compte des réalités sur le terrain. Et non s'enfermer dans la tour bureaucratique de Yaoundé pour imposer l'irréalisable. Ce qui n'est du reste pas facile pour ceux qui depuis plus d' une décennie n'ont pas pris un bus d' une ville à une autre. Pour ne pas que le bas peuple trinque une fois de plus du fait de la surenchère qui va s'installer et pour ne pas que la qualité de service se dégrade considérablement dans ce secteur d'activité, il faut trouver de façon holistique de réelles mesures d'accompagnement pour ces entreprises