Par Rachel Schraer
Journaliste spécialiste de la santé et de la désinformation
Une étude montrant que la dépression n'est pas due à un faible taux de sérotonine, l'"hormone du bonheur", est devenue l'un des articles médicaux les plus partagés.
Elle a provoqué une vague d'affirmations trompeuses sur les antidépresseurs, dont beaucoup augmentent la quantité de sérotonine dans le cerveau.
Cette recherche ne montre pas que les médicaments ne sont pas efficaces.
Mais la réaction à cette étude a également suscité de véritables questions sur la façon dont les gens traitent la maladie mentale et y pensent.
Après que Sarah a connu son premier épisode psychiatrique majeur, au début de la vingtaine, les médecins lui ont dit que les médicaments qui lui étaient prescrits étaient comme "l'insuline pour un diabétique".
Il était essentiel, corrigeait un problème chimique dans son cerveau et devait être pris à vie.
Sa mère avait un diabète de type 1, elle a donc pris cela très au sérieux.
Sarah a continué à prendre ces médicaments même s'ils semblaient aggraver son état, jusqu'à entendre des voix menaçantes lui disant de se suicider et à recevoir une thérapie électroconvulsive (TEC).
Pourtant, l'affirmation selon laquelle elle avait besoin du médicament comme un diabétique a besoin d'insuline n'était fondée sur aucune preuve médicale.
"On se sent trahi par les gens en qui on avait confiance", dit-elle.
Sa réaction aux médicaments a été extrême, mais le message de "déséquilibre chimique" qu'on lui a fait passer n'était pas inhabituel.
De nombreux psychiatres affirment qu'ils savent depuis longtemps que de faibles taux de sérotonine ne sont pas la cause principale de la dépression et que cet article n'apporte rien de nouveau.
Pourtant, la réaction inhabituellement importante du public suggère que c'était une nouvelle pour beaucoup.
Mais certains sont passés de l'idée que les antidépresseurs ne fonctionnent pas en corrigeant un déséquilibre chimique à l'idée qu'ils ne fonctionnent pas du tout.
Et les médecins craignent que, dans cette confusion, les gens n'arrêtent brusquement de prendre leur médicament et ne risquent de graves effets de sevrage.
Selon le National Institute for Health and Care Excellence (NICE), ces médicaments ne doivent pas être arrêtés brusquement, sauf en cas d'urgence médicale, et une réduction lente de la dose peut minimiser les symptômes de sevrage.
Ces résultats permettent d'exclure l'un des modes d'action possibles des médicaments, à savoir la correction d'une carence.
"Beaucoup d'entre nous savent que la prise de paracétamol peut être utile en cas de maux de tête et je ne pense pas que quiconque croit que les maux de tête sont causés par un manque de paracétamol dans le cerveau", souligne le Dr Michael Bloomfield.
Selon le NICE, ces effets peuvent inclure des pensées et des tentatives de suicide, des dysfonctionnements sexuels, un engourdissement émotionnel et des insomnies.
Depuis l'automne dernier, les médecins britanniques ont été informés qu'ils devaient d'abord proposer une thérapie, de l'exercice, de la pleine conscience ou de la méditation aux personnes souffrant de dépression moins grave, avant d'essayer des médicaments.
Mais les personnes qui réagissent de manière compréhensible à des circonstances difficiles pourraient être mieux aidées par "des conseils en matière de relations, des conseils financiers ou un changement d'emploi" que par des médicaments.
Cependant, Zoe, qui vit dans le sud-est de l'Australie et qui souffre à la fois de dépression grave et de psychose, estime que le fait de considérer la dépression comme une "détresse" qui disparaîtrait si nous "réglions tous les problèmes sociaux" est également trop simpliste et néglige les personnes souffrant de maladies mentales plus graves.
La psychose est présente dans sa famille, mais les épisodes sont souvent déclenchés par des événements stressants tels que les dates d'examen.
Zoe dit que les médicaments, y compris les antidépresseurs, ont changé sa vie et qu'elle a pu faire le "calcul" que les effets secondaires "en valent la peine" pour éviter les épisodes graves.
Et c'est une chose sur laquelle tous les experts qui ont parlé à BBC News sont d'accord : les patients doivent avoir plus d'informations, mieux expliquées, afin qu'ils puissent faire ces calculs difficiles par eux-mêmes.