Le journaliste Jean Bruno Tagne s’est récemment exprimé sur les appels croissants à une nouvelle candidature de Paul Biya pour l’élection présidentielle de 2025. Depuis le retour du président camerounais le 21 octobre dernier, suivi des célébrations marquant ses 42 ans de règne le 6 novembre, des voix se sont élevées parmi les militants du RDPC et les partisans du régime pour l’encourager à se représenter. Pourtant, ces sollicitations surviennent dans un contexte de controverse croissante, alimentée par des interrogations persistantes sur l’état de santé du chef de l’État, âgé de 92 ans.
Dans ce cadre, Jean Bruno Tagne offre une analyse critique de la situation. Pour lui, l’hypothèse d’une nouvelle candidature de Paul Biya est déconcertante. "On pensait que la décence l’empêcherait de franchir le Rubicon", écrit-il, soulignant qu’à 92 ans, après près de cinq décennies de pouvoir, Biya devrait aspirer à une retraite bien méritée et à la rédaction de ses mémoires, plutôt que de s’accrocher au pouvoir.
Tagne dénonce une "boulimie incompréhensible" du président, encouragée par des partisans zélés qui orchestrent des "appels du peuple" dans tout le pays pour demander sa réélection. Ces appels, loin d’être spontanés, sont organisés par les barons du régime. Henri Eyébé Ayissi, ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, a lancé le mouvement dans sa région d’origine, la Lékié. Le ministre Jacques Fame Ndongo, figure du régime et originaire du Sud, a suivi, et d’autres préparent activement leurs propres initiatives similaires.
Jean Bruno Tagne met en lumière le manque d’originalité de cette stratégie, utilisée depuis le retour au multipartisme, où chaque dignitaire local organise un simulacre d’adhésion populaire pour légitimer la candidature du président sortant. Il va même plus loin en décrivant ces démarches comme un "foutoir", où certains ministres tentent simplement de protéger leurs privilèges et l’impunité qui règne dans leur gestion. À cet égard, Tagne évoque Eyébé Ayissi et ses actions controversées au ministère des Domaines, où "un titre foncier ne vaut plus rien".
La question qui demeure est celle-ci : que peut encore offrir Paul Biya à son pays après 42 ans au pouvoir ? Pour Jean Bruno Tagne, l’attitude de nombreux Camerounais face à ces appels à une nouvelle candidature est tout aussi incompréhensible. Comment des citoyens privés d’eau potable, d’électricité, de routes et d’emplois peuvent-ils accepter de se laisser embarquer dans cette "agitation calculée et intéressée" orchestrée par les profiteurs du régime ? Le journaliste se demande à quoi servirait un nouveau mandat pour un président dont les forces physiques et politiques semblent l’abandonner.
Tagne rappelle que le 7 octobre 2024 marquait le sixième anniversaire de la réélection de Paul Biya en 2018, mais cet événement est passé inaperçu, même parmi les plus fervents soutiens du président. Cela reflète, selon lui, la difficulté pour le régime de justifier son bilan après près de 50 ans de pouvoir. À un an de la fin de son septennat, le bilan de Paul Biya est pour le moins "indigent", selon Tagne, sans réalisations notables pour les Camerounais.
En conclusion, Jean Bruno Tagne pose une question troublante : pourquoi Paul Biya s’accroche-t-il encore au pouvoir, alors que son âge avancé et son état de santé ne lui permettent plus d’apporter grand-chose au Cameroun, ni même à son propre héritage politique ?