Cela fait environ 06 mois que le journaliste Martinez Zogo a été arraché à la vie de façon tragique à Yaoundé. En effet, ce dernier a été enlevé, torturé et lâchement assassiné pour sa voix, sa verve et les nombreuses dénonciations qu'il faisait sur Amplitude FM.
S'en est suivi des arrestations, des convocations, des auditions, des emprisonnements, etc. L'affaire n'est pas clos mais un acte presque similaire vient d'être dévoilé par nos confrères. L'on pensait que cela servirait peut-être de leçon mais la rédaction vient d'apprendre qu'un journaliste tchadien a été torturé et est arbitrairement détenu pendant sept mois.
Un journaliste a vécu sept mois de calvaire dans la prison de haute sécurité de Koro Toro au nord du pays, à plus de 600 km de la capitale N’Djamena. Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement cette détention arbitraire et abusive, et appelle les autorités à faire toute la lumière sur les violences inouïes subies par Service Ngardjelaï, informe Cameroun Actuel.
Il ressort que ce dernier a été mis aux arrêts suite aux manifestations du 20 octobre 2022 qui ont mobilisé des milliers de personnes protestant contre le gouvernement militaire de transition.
Durant sept mois, Service Ngardjelaï sera emprisonné arbitrairement dans des conditions inhumaines : “On dormait à même le sol, et on était entre vingt et trente personnes par cellule”, assure t-il. Le journaliste sera aussi soumis aux travaux forcés : “en cas de refus, les militaires attachaient des fers de 12 à 16 kilos à nos pieds. Ils étaient tellement serrés qu’ils provoquaient des plaies, qui pouvaient ensuite s’infecter”. Blessé à la côte gauche, au bras droit, et à la colonne vertébrale, il assure avoir vomi du sang.
Il retrouve toutes sortes d’objets dans sa nourriture : du sable, des lames de rasoirs, des tiges de piles électriques… Les condiments sont faits à base de farine périmée. Le journaliste est régulièrement battu par les militaires. Si certains de ses geôliers se montrent un peu plus cléments au regard de son statut de journaliste, d’autres, au contraire, redoublent de violence à son égard.
Le 2 décembre, le procès de 401 prisonniers de Koro Toro s’achève, mais lui n’est pas jugé. Quelques jours plus tard, sans qu’il en ait connaissance, une ordonnance de non-lieu est prononcée à son égard : les autorités n’ont “rien trouvé de convaincant”. Il aurait dû être libéré immédiatement.
Pourtant, Service Ngardjelaï ne sera averti de cette décision que le 7 mai 2023. Ce jour-là, une commission débarque en prison pour juger les prévenus. Le journaliste y croise deux amis avocats, qui interrogent sa présence en détention alors que le nom de Service Ngardjelaï ne figure pas sur leur liste des prévenus. Il les informe qu’il a été auditionné six mois plus tôt. Les avocats retrouvent alors l’ordonnance datant de décembre. Le 12 mai 2023, après sept mois de calvaire, le journaliste sort finalement de prison. Pendant cinq mois, les autorités tchadiennes auraient “omis” de lui signifier cette décision de remise en liberté…
« Les traitements subis par Service Ngardjelaï depuis son arrestation jusqu’à sa détention dans la prison de Koro Toro sont absolument intolérables. Ce journaliste n’aurait jamais dû être arrêté, et sa détention était illégale. Qui sait ce qu’il serait advenu s’il n’avait pas croisé des avocats qui le connaissaient ? Les violences et l’acharnement contre les journalistes sont perpétrés dans l’impunité la plus totale au Tchad. RSF appelle les autorités à faire la lumière sur les allégations de torture et les conditions de la détention arbitraire et abusive de Service Ngardjelaï. » déclare Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
Un mois et demi après sa libération, Service Ngardjelaï porte encore les stigmates de son séjour en prison. Le journaliste souffre de douleurs intenses au niveau de la colonne vertébrale et bouge difficilement ses bras et ses doigts. Ses traumatismes sont également psychologiques. Il estime, en outre, être suivi et observé depuis sa libération, notamment par des personnes à bord de voitures aux vitres teintées.
L’exercice du journaliste demeure très dangereux au Tchad, un des pays composant le Sahel, zone dont certaines régions sont particulièrement marquées par l’insécurité et la présence de groupes armés. Trois journalistes sont morts depuis 2019, dont Narcisse Orédjé, tué par balle par des individus en tenue militaire lors des manifestations du 20 octobre 2022. Ses meurtriers n’ont jamais été arrêtés. En dix ans, 62 journalistes ont été arrêtés et 19 ont fait l’objet d’agressions, écrit le confrère.