Bafoussam est un gros village - David Toguem

4453 XBafoussam130815750.pagespeed.ic.bWD73kj8iA Vue partielle de la ville de Bafoussam

Wed, 7 Sep 2016 Source: 237online.com

Titulaire d’un doctorat Ph.D en géographie du développement, David Toguem analyse les écueils à la croissance de Bafoussam.

Quels sont les atouts et les faiblesses de l’urbanisation de la ville de Bafoussam ?

Il n’est pas exagéré de dire que Bafoussam, comme bien d’autres villes du Cameroun, ressemble à un « gros village ». Car la ville croît fortement sans prendre les caractéristiques urbaines. Par définition, la ville est un centre aggloméré, différent du peuplement diffus de nos villages avec des activités non agricoles.

Or Bafoussam brille par son étalement très désorganisé dans les espaces ruraux périphériques avec absence de continuité de l’occupation du sol. De nombreuses zones de cultures côtoient des zones non urbanisées. Difficile de départager le rural de l’urbain. On a une humanité semi-urbaine, rien qu’à voir le nombre d’habitants qui quittent la ville chaque matin pour des plantations situées à Baleng ou sur les rives du Noun.

On parle pourtant d’un plan directeur d’urbanisme ?

Bafoussam de nos jours reflète plus la spontanéité d’une croissance organique qu’une volonté organisatrice de l’espace urbain. Le résultat étant l’occupation désordonnée de l’espace, de nombreux contrastes entre noyau urbain et périphéries, une inorganisation de la périphérie (les résidents s’installent comme bon leur semble et l’organisation se fait plus tard), le dédoublement des centres villes.

A titre illustratif, les espaces dits industriels ou les installations industrielles sont à proximité des résidences. De plus, de belles bâtisses côtoient des taudis. Au-delà de cette faille organisationnelle, il faut noter la faille institutionnelle liée à l’insuffisance voire la faiblesse des capacités techniques et financières, lesquelles se traduisent par des interventions sporadiques et non permanentes des structures en charge de la ville. Par conséquent, c’est la dégradation très avancée des infrastructures urbaines.

Pourtant, Bafoussam présente de nombreux atouts nécessaires à un développement durable : le site naturel sur lequel il est bâti favorise le drainage des eaux, évitant ainsi l’inondation à condition de prévoir à temps des canaux d’évacuation et de stabiliser les zones à risques. Son capital humain en termes de nombre, d’esprit d’entreprise, d’attachement aux origines (facteur de retour des ressortissants pour investir et soutenir le développement de la capitale régionale) ; la place centrale en tant pôle de collecte et de redistribution car il se trouve au carrefour de trois routes nationales 4, 5 et 6 ; sa position de pôle administratif ayant une attraction forte sur la région qui l’entoure, etc.

Avec autant de facilités, qu’est-ce qui bloque ?

Le premier obstacle est l’homme dans toutes ses dimensions et surtout les plus mauvaises. Chaque citadin de Bafoussam et par extension chaque ressortissant de l’Ouest et du Cameroun devrait penser collectif et pas individuel. Je voudrais caricaturer un comportement négatif à l’évolution de nos cités : penser qu’on a le plus droit d’être à un poste de la cité parce qu’on est natif du coin relève d’un autre siècle. Pour cela, l’on passe le temps à creuser des « marmites de géants » comme pièges à celui qui est là et au bout de compte c’est la ville qui est piégée parce qu’elle se dégrade progressivement.

Personne aujourd’hui ne peut être fier de l’état de la ville de Bafoussam. Au lieu de se souder dans la recherche du progrès, de la beauté de la capitale régionale, l’on tente de tribaliser la gestion de la cité. Le deuxième obstacle est lié au nerf de la guerre. L’insuffisance des moyens financiers contribue à la dégradation des infrastructures parce que non entretenues et/ou rénovées. Le troisième obstacle se trouve dans l’exode vers Douala et Yaoundé. Bafoussam perd régulièrement sa population au profit des deux capitales, ce qui porte un coup au niveau des activités et du bâti. A cela s’ajoutent la très grande proximité des autres villes de la région situées en moyenne à moins de 50 Km à la ronde.

Dschang ou Bandjoun par exemple réduisent son poids sur le plan intellectuel, avec des infrastructures universitaires délocalisées. Il ne faut pas oublier cette espèce de ségrégation urbaine avec deux tendances : une liée à la cohabitation entre vieilles maisons et immeubles de haut standing et l’autre à travers la reconstitution des communautés villageoises à la périphérie de la ville qui conservent leurs cultures d’origine et les modes de vie modernes. Ceci va se traduire par une juxtaposition des quartiers et non une homogénéisation de l’espace urbain, et aussi une certaine imperméabilité entre les communautés de la ville.

Source: 237online.com