Bangou : comment le sérail et Atanga Nji ont préparé l'humiliation de Dion Ngute

Atanga Nji tient tête à Dion Ngute

Wed, 20 Apr 2022 Source: Le Messager du 20-4-2022

Le conflit de succession à la tête de cette chefferie de 2ème degré dans les Hauts plateaux, région de l’Ouest, met à nu l’antagonisme entre les deux hommes et trahit pardessus tout, les incohérences gouvernementales.

La floraison épistolaire entre la Primature et le ministre de l’Administration territoriale (MINAT), copieusement relayée sur les réseaux sociaux, convertit l’opinion à des dysfonctionnements et des antagonismes évidents entre les membres de l’équipe gouvernementale. Joseph Dion Nguté, le capitaine de cette équipe, à la lecture des différentes lettres qui foisonnent au sujet du règlement du conflit de succession à la tête de la chefferie Bangou, prend pour son grade de son ministre de l’Administration qui frappe du poing sur la table, un peu comme pour rappeler à l’ordre.

On constatera qu’il devient coutumier du fait. Dans une double correspondance signée le 12 avril dernier, adressée concomitamment au Premier ministre (PM) et le Secrétaire général de ses services (SGPM), il leur « fait connaître respectueusement » que l’affaire de succession à la chefferie Bangou pour laquelle il est interpellé est une vieille affaire déjà tranchée depuis 2019 par le chef de l’Etat.

Un coup de massue de toute évidence pour le PM qui se fait ridiculiser en mondovision pour une affaire qui ressort pourtant du domaine de de sa compétence. « J’ai l’honneur de vous faire connaître très respectueusement que tous les éléments relatifs à ce dossier avaient été transmis à la présidence de la République en vue du très haut arbitrage du chef de l’Etat », lance en préambule Paul Atanga Nji à l’endroit du PM avant de lui servir la sentence présidentielle sur l’affaire, un peu comme pour lui dire que ses initiatives en la matière sont « too late ». Il devrait, comme qui dirait ravaler ses remontrances face à la prescription qui vient du haut. « En réponse à cette démarche, le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République m’a répercuté, par correspondance du 11 juin 2019, le très haut accord du chef de l’Etat pour l’intronisation du chef désigné conformément à la réglementation en vigueur et aux us et coutumes de la localité », assène le premier ministre de l’Administration territoriale issu de la communauté anglophone du pays.

Activisme contre le régime Biya

Dans la foulée, il informe le PM que TchihouTayo Arnaud est le nouveau chef désigné à la tête de la chefferie Bangou et qu’il avait du reste en date du 8 avril 2019 transmis son dossier à ses services et qu’il n’y a pas eu de suite. Il précise par ailleurs que le père de ce nouveau chef désigné, le défunt chef Tayo Marcel qui a rejoint ses ancêtres le 16 novembre 2018, « a effectivement régné comme chef de 2ème degré de Bangou pendant 39 ans, ce qui justifie que son fils lui succède ». Pour lui, les contestataires qui se réclament du chef Kemayou Sinkam Paul Bernard « destitué en 1978 de ses fonctions pour activisme contre le régime en place et terrorisme, mort en exil à Conakry (Guinée) », ne sont pas dans le droit chemin ou dans leurs droits. Ce faisant, il s’écarte irrémédiablement du canevas tracé par le PM pour régler définitivement ce conflit. On en est donc à se demander jusqu’où le clash entre le PM et le MINAT arrivera. On se souviendra qu’à la veille du Grand dialogue national, il s’était déjà illustré en prenant à contrepied son supérieur hiérarchique en indiquant que les débats ne porteront pas sur la forme de l’Etat. Que vaut la place du PM au Cameroun ? Bangou arrive à point nommé pour donner à voir où en est le pays avec son administration ou son fonctionnement en un mot.

Que va faire Dion Ngute maintenant ?

La sortie du MINAT pour camouflet qu’elle soit, en est véritablement un. Cette réplique de Paul Atanga Nji vient doucher toute l’initiative de Chief Joseph Dion Ngute pour faire la paix à la chefferie Bangou. Par une correspondance adressée au MINAT par le ministre SGPM et signée par Dion Ngute himself, le patron du gouvernement ne manquait pas de remonter des bretelles à Atanga Nji pour son « une impartialité manifeste » dans le conflit de succession. « Le Premier ministre me charge de vous demander de rapporter les termes de votre lettre de référence, qui ont pu être interprétés comme une partialité manifeste de l’Administration dans un conflit de succession ouvert, pour la résolution duquel elle s’attelle pourtant à donner une réponse juste et pérenne », lisait-on dans cette lettre d’où transparaissaient ouvertement la déception et l’agacement du chef du gouvernement à la lecture des évènements qui remontent du terrain à Bangou. Par la suite, un peu comme pour marquer son insatisfaction liée aux initiatives en cette matière de succession du MINAT, le PM, lui réitérait sa vive préoccupation quant au conflit de succession à la tête de la chefferie Bangou, notamment au regard de l’escalade de violence observable ces derniers jours dans cette localité et « imputable, à juste titre ou non, à la lettre querellée du 15 mars dernier ».

Le PM mettait de toute évidence son collaborateur sur la sellette pour probablement mieux lui signifier sa décision de le dessaisir du règlement du conflit de succession à la tête de la chefferie de 2ème degré Bangou. « Le chef du gouvernement vous informe par avance de la mise sur pied sans délai d’une commission d’enquête administrative conduite par ses services et dédiée à l’examen des modalités de règlement définitif du conflit relatif à l’objet porté en marge », prescrivait le courrier poignant dont les ampliations étaient faites au Secrétariat général de la présidence de le République et au gouverneur de la région de l’Ouest. On se demande dès lors ce qu’il adviendra de la Commission d’enquête administrative chargée d’examiner les modalités du règlement du conflit de succession à la tête de la chefferie Bangou, créée par un arrêté du PM du 7 avril 2022. Comme on le voit, la succession à la tête de la chefferie Bangou crée un branlebas au sein du sérail.

Source: Le Messager du 20-4-2022