La coordination entre les armées camerounaises et nigérianes s’est nettement améliorée dans les zones frontalières où sévit le groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Boko Haram). Les relations entre les deux pays ont longtemps été envenimées par la dispute au sujet de la péninsule de Bakassi.
Mais la coopération tactique militaire a été facilitée par la reprise de relations diplomatiques plus cordiales et le déplacement, à peine après son investiture, du président nigérian Muhammadu Buhari au Cameroun fin juillet. Les contingents camerounais ont appuyé la progression de l’armée nigériane qui a chassé Boko Haram de plusieurs localités ces dernières semaines. Notre reporter s’est rendu à la frontière entre le Cameroun et le Nigeria, entre Amchidé et Banki.
Amchidé est une ville fantôme. Elle a subi plusieurs assauts menés par des hordes d’insurgés. De hautes herbes ont poussé dans l’allée, bordée des magasins abandonnés, du marché central qui aujourd’hui ressemble à un studio de cinéma. De l’autre côté de la frontière, c’est Banki, libérée le 25 septembre par l’armée nigériane, en liaison étroite avec le Cameroun.
« Il a fallu une très bonne coordination », explique un capitaine au sein du Bataillon d’intervention rapide (BIR), l’unité d’élite du Cameroun. « Il fallait que nous soyons avertis de leurs tirs pour ne pas être surpris, alors que les Nigérians progressaient de Bama à Banki, et qu’en cas de besoin, on essaie de réorienter leurs tirs pour protéger nos populations.
Nous avons été en permanence en communication avec ces forces au point où, à l’issue de la reconquête de l’armée nigériane à Banki, nous avons pu faire une jonction à Banki. Nous y sommes allés avec nos hommes, et nous avons pu faire des échanges que ce soit sur le plan tactique que sur le plan des besoins ».
Pas de droit de poursuite
Les contingents camerounais n’ont pas le droit de poursuite pour prendre en chasse des combattants insurgés, qui après des incursions au Cameroun, se replient au Nigeria. D’après des indiscrétions, le gouvernement camerounais n’y tient pas absolument, car cela implique que l’armée nigériane ait, elle aussi, le droit de franchir la frontière. La méfiance reste de mise, mais elle n’empêche pas une certaine mutualisation des efforts.
« La coordination avec le Nigeria est excellente aujourd’hui. Cela n’a pas toujours été le cas, et nous l’avons déploré au début de la crise. L’amélioration de la coopération résulte surtout d’une volonté exprimée par les chefs d’Etat de nos deux pays », explique le général Jacob Kodji, commandant des forces inter-armées dans la région de l’Extrême-Nord.
Le renseignement mutualisé
L’armée camerounaise ne le crie pas sur tous les toits, mais ses obusiers ont pilonné des positions de Boko Haram à Banki en amont de la contre-offensive nigériane. Le renseignement aussi est mutualisé. « Du fait du relief et des conditions météorologiques, il y a des zones qui sont difficilement accessibles pour les forces nigérianes.
Donc il arrive qu’elles nous demandent, à partir de nos positions, de faire des observations, à l’œil nu ou avec des jumelles ou d’autres moyens que nous avons, et ensuite nous leur transmettons ce que nous avons relevé ».
L’armée camerounaise avait aussi ratissé sa propre zone frontalière avant la contre-offensive nigériane sur Banki. Enfin, fait qui n’a rien d’anodin, notre patrouille a croisé des soldats nigérians venus à pied côté Cameroun, pour se faire soigner à la base militaire d’Amchidé.