Malgré le recul des attaques armées de la secte islamiste à l’Extrême-nord du Cameroun, les attentats kamikazes et la pose des engins explosifs improvisés sur les itinéraires font de nombreuses victimes.
Nous avons encaissé des coups et on ne peut pas faire la guerre sans en encaisser ». De la base de l’opération Alpha du Bataillon d’intervention rapide (Bir, unité d’élite de l’armée camerounaise) à Maroua, capitale régionale de l’Extrême-nord, le colonel Samuel Douraï, commandant en second de l’opération, se veut réaliste.
La guerre qui oppose l’armée camerounaise au groupe terroriste Boko Haram depuis deux ans a tué des milliers de personnes du Cameroun au Nigéria, décimé des villages et contraint environ 170 000 camerounais à fuir leurs villages pour se réfugier dans des zones paisibles.
Tout au long de la frontière nord, longue de près de 400 km que le Cameroun partage avec le Nigéria, les attaques de la secte se sont « raréfiés » ces derniers mois, assure l’officier supérieur.
« Boko Haram encaisse des coups mais est toujours dangereux », prévient Samuel Douraï. D’ailleurs, d’août 2014 au 14 mars 2016, le Cameroun a enregistré 336 attaques diverses du groupe terroriste dans les villages situés tout au long de la frontière à l’Extrême-nord. 43 sont des attaques conventionnelles: à la manière d’une armée, les troupes de Boko Haram vont au combat, avec armes et véhicules.
Neuf de ces attaques se sont déroulées à Limani, cinq à Kolofata, 14 à Amchidé, 12 à Fotokol, deux à Waza, et une à Kerawa. Des autres 293 attaques, on retrouve entre autres des incidents dus à la pose des engins explosifs improvisés sur les itinéraires et les attentats kamikazes. Si les attaques conventionnelles se raréfient, l’un des principaux défis de l’armée reste la lutte contre les attentats kamikazes.
Changement de tactique
Loin de Maroua, à des kilomètres de cette ville bouillante, l’armée camerounaise avec ses milliers d’hommes postés tout au long de la frontière, s’apprête à livrer sa [b« dernière bataille »] contre la secte islamiste. Quand ils ont commencé à subir des revers, ils ont changé de tactique, souligne le lieutenant-colonel Emile Léopold Nlate. Ils sont passés aujourd’hui à des menaces asymétriques».
D’après cet officier de renseignement, les attentats kamikazes font justement partie de cette nouvelle « tactique » de Boko Haram. Pour combattre ces nouveaux ennemis qui se fondent à la population, s’explosent et font des victimes allant d’une dizaine à la centaine, la tâche de l’armée semble « colossale ». « L’ennemi est vraiment invisible, soupire un soldat. On ne sait quand il arrive. Si on ne parvient pas à stopper ces kamikazes, c’est l’explosion et les morts ». Que fait donc l’armée pour combattre ces attentats kamikazes?
Sur le front de guerre, dans les villages frappés par la secte, l’armée collabore avec les comités de vigilances, ces milices d’autodéfense constituées de jeunes, qui surveillent, armés de flèches, lances, armes de chasse… leur localité. Ils fournissent le renseignement à l’armée et aident pour la plupart, à « stopper l’action » des kamikazes.
Ces « soldats » qui travaillent sans salaire, juste gratifiés par des dons divers (argent, produits alimentaires), veillent de jour comme de nuit, à la quête du moindre « visage inconnu». Certains ont d’ailleurs perdu la vie sous les explosions, alors qu’ils essayaient de stopper ces kamikazes.
Le lieutenant-colonel Félix Tétcha, commandant de la base Zone sud, assure que le renseignement fourni par cette population (comités de vigilance) est « capital » et « plus rapide ». A Ashigashiya, village frontalier avec le Nigéria, les impacts de balles, signe d’un des multiples passages de la secte islamiste, sont encore visibles sur les murs. Mais, au camp militaire, tous les regards sont tournés vers deux jeunes qui manipulent un drone.
Le petit appareil traine au sol. Bientôt, il s’élève dans le ciel. Les deux soldats suivent son évolution à l’aide d’une télécommande, reliée à un Ipad.
A quoi serviront les informations glanées dans les airs par ce drone? Si l’armée refuse de dévoiler l’importance, Le Jour apprend tout de même que, les informations collectées servent à mieux « combattre Boko Haram » tout en « réduisant l’effort humain ». « C’est juste une sécurité supplémentaire et cela ne veut pas dire que les militaires qui sont ici ne peuvent pas assurer la sécurité », précise le colonel Didier Badjeck, porte-parole du ministère de la Défense.
L’armée utilise justement les moyens technologiques pour débusquer Boko Haram. Plus encore, elle collabore avec les soldats américains et français pour déminer les zones minées.
En effet, depuis de nombreux mois, la pose des engins explosifs improvisés sur les itinéraires fait de nombreux morts au sein de l’armée camerounaise. 47 attaques par mine ont d’ailleurs été recensées d’août 2014 au 14 mars 2016. « Notre principal objectif est de déminer ces itinéraires. Nous utilisons justement ces technologies et l’aide des experts étrangers », explique une source sécuritaire.
Pour le général Jacob Kodji, cette nouvelle tactique utilisée par Boko Haram à savoir, les attentats kamikazes et la pose des engins explosifs (mines), est le signe de son affaiblissement.