L'engagement de troupes américaines au Cameroun devrait aider les pays de la région du Lac Tchad en lutte contre Boko Haram à combler une de leur lacune, le renseignement.
Jeudi et vendredi encore, une série d'attentats-suicides a fait des dizaines de morts à Maiduguri dans le nord-est du Nigeria, ancien fief du groupe Boko Haram - qui a rallié récemment l'organisation de l'État islamique - et dont l'insurrection a fait depuis 2009 au moins 17 000 morts et 2,5 millions de déplacés.
Le renseignement surveillait et ne contrait pas
Régulièrement, les faiblesses des services de renseignements ont été pointées du doigt. Historiquement, dans de nombreux pays du continent, la mission première - voire exclusive - de ces services a été de surveiller les faits et gestes des opposants et non de contrer de telles menaces.
Les chefs de l'État de la région du lac Tchad eux-mêmes ont sollicité à plusieurs reprises une aide dans ce domaine pour épauler la force régionale chargée de mener la guerre aux islamistes.
La France et les USA déjà présents
La France, très présente militairement dans la région, notamment avec l'opération de lutte contre les groupes jihadistes au Sahel Barkhane dont l'état-major est à N'Djamena, fournit déjà une telle assistance.
L'armée américaine est elle aussi déjà présente dans la région, avec des drones au Niger pour surveiller le Sahel. Washington a certes déjà apporté une aide ponctuelle en matière de renseignement et de reconnaissance au Nigeria après l'enlèvement par Boko Haram de plus de 200 lycéennes à Chibok. Sans toutefois s'impliquer davantage, du fait notamment des graves violations des droits de l'Homme dont est accusée l'armée nigériane.
Au Cameroun, l'engagement américain change de dimension. Non sans risque pointe le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos, de l'Institut français de géopolitique. « Le résultat pourrait être d'internationaliser Boko Haram », groupe jusqu'à présent essentiellement nigérian, en attirant dans la région des jihadistes étrangers, avides d'en découdre avec les États-Unis, explique-t-il.
300 soldats américains annoncés
Les 300 soldats américains annoncés, dont les premiers sont arrivés lundi au Cameroun, seront basés à Garoua (nord), où l'aviation camerounaise a une base utilisée pour bombarder les insurgés infiltrés.
Ces forces se consacreront à des opérations de renseignement, de surveillance et de reconnaissance aérienne. Elles seront armées pour assurer leur protection et permettre le bon déroulement de ces opérations mais « elles ne seront pas sur place dans un rôle de combat », selon Josh Earnest, porte-parole de la présidence américaine.
Une évolution, pas un changement
Ce porte-parole a insisté mercredi sur le fait que cette opération ne représentait pas « un changement de stratégie » du côté américain. Elle n'est pas non plus liée à « une évaluation différente » de la nature de la menace que représente l'organisation islamiste dans cette région, a-t-il assuré.
Côté camerounais, on souligne cependant que l'engagement de militaires américains « marque une évolution » sur le terrain. Jusqu'à présent, a expliqué sous couvert de l'anonymat un responsable de l'armée camerounaise, l'assistance américaine se limitait à de la formation, notamment au déminage et au désamorçage des bombes portées par les kamikazes. Les États-Unis ont des accords de formation militaire avec plusieurs pays africains.
D'autant que cette mission n'est pas limitée dans le temps. Les forces resteront au Cameroun « jusqu'à ce que leur soutien ne soit plus nécessaire », a indiqué Obama dans un courrier adressé aux leaders des deux chambres du Congrès américain.