Un collectif de paysans camerounais a remporté une victoire importante dans son long conflit avec la Socapalm, filiale du groupe Bolloré. Cependant, cette décision ne marque pas la fin du litige. Les révélations de Jeune Afrique éclairent les origines de ce conflit et ses développements récents, souligne Jeune Afrique
Le tribunal de Nanterre, en France, a condamné la Société financière des caoutchoucs (Socfin), dont le groupe Bolloré détient 40 % des actions, à verser 140 000 euros à 150 paysans camerounais le 9 septembre. Cette décision est la première du genre depuis l'adoption de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales en 2017 en France, qui oblige les entreprises à anticiper les risques sociaux et environnementaux liés à leurs activités.
Selon Jeune Afrique, le conflit entre les paysans et la multinationale remonte à 2008, lorsque les riverains des plantations avaient obtenu des engagements de la Socfin concernant le respect de leurs droits, grâce à des accords signés avec l'État du Cameroun. Cependant, il a fallu plus d'une décennie aux plaignants pour obtenir réparation.
En 2010, des associations camerounaises ont alerté l'ONG Sherpa sur les activités de la Socapalm, affirmant qu'elle violait les droits sociaux, humains et environnementaux des riverains. Sherpa a enquêté et a confirmé de nombreuses violations des principes directeurs de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) dans les plantations et leurs environs. Les révélations de Jeune Afrique mettent en évidence les multiples violations et l'intervention de Sherpa pour poursuivre le groupe Bolloré en justice.
Le groupe Bolloré a accepté de négocier en 2013 et un plan d'action visant à remédier aux violations a été adopté. Cependant, un an et demi plus tard, la multinationale s'est retirée unilatéralement de la mise en œuvre de ce plan, ce qui a incité 150 plaignants, soutenus par des ONG françaises et camerounaises, à poursuivre le groupe devant les juridictions françaises en mars 2021.
En décembre 2022, la cour d'appel de Versailles a ordonné au groupe Bolloré de fournir les procès-verbaux des assemblées générales de Socfin des quatre dernières années, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard. Selon Jeune Afrique, le groupe n'a communiqué que les procès-verbaux des assemblées générales ordinaires, ce qui a conduit à l'amende de 140 000 euros prononcée en septembre. La suite du dossier dépendra de l'analyse de ces documents par les avocats des plaignants.
Le conflit n'est pas encore résolu, et de nouvelles révélations pourraient surgir à mesure que l'affaire progresse. Les avocats des plaignants envisagent de vérifier si le groupe Bolloré a un contrôle effectif sur la Socfin, ce qui pourrait entraîner des conséquences légales supplémentaires en vertu de la loi sur le devoir de vigilance. Bolloré nie ces allégations et prétend être un actionnaire minoritaire.