Burkina Faso : la colère face à l'insecurité persistante

Le président burkinabè

Wed, 17 Nov 2021 Source: www.bbc.com

Au Burkina Faso, la société civil et l'opposition crient leur ras-le-bol face aux nombreuses attaques armées dont les populations et les forces armées sont l'objet.

Ce mardi 16 novembre à Ouagadougou, des centaines de jeunes sont sortis également manifester leur colère. Ils appellent le président Kaboré à la démission estimant qu'il a failli à sa mission de de sauvegarde de la sécurité du pays.

Des manifestants parmi lesquels se trouvent le secrétaire exécutif du mouvement ''Sauvons le Burkina Faso'' Mamadou Drabo, a rencontré le Mogho Naaba, un influent chef coutumier.





Pourquoi maintenant ?

Trois jours de deuil national sont en cours au Burkina Faso suite à l'attaque qui a tué 28 soldats et 4 civils dans le nord du pays, selon les autorités.

En effet, un poste de gendarmerie situé à Inata, à 300 kilomètres au nord de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, a subi attaque mené par des groupes armés non identifiés le dimanche 14 novembre.

Cette attaque est la plus meurtrière subie par les troupes burkinabè depuis qu'une insurrection menée par des militants islamistes a pris son essor en 2017, rapporte l'agence de presse Reuters.

Un détachement de la gendarmerie a également été attaqué le même jour à Kelbo, au nord du Burkina Faso. '' La résistance des soldats et des volontaires pour la défense de la Patrie (VDP) a permis de repousser les assaillants '', renseigne le communiqué.

''Suite à cette attaque, nos forces ont pu prendre pied sur le théâtre des opérations. Le travail de ratissage se poursuit, quand on connaît l'étendu de cet espace '', rassure Maxime Koné, le ministre de la sécurité, dans les ondes d'une radio locale.

Ultimatum de l'opposition

Cependant, cette énième attaque a déclenché l'ire d'une frange de la population du pays.

En effet, des voix s'élèvent dans le pays pour dénoncer ce qu'ils disent est l'incapacité du gouvernement à assurer la sécurité des populations.

L'opposition donne un mois au président Kabore pour trouver des solutions avant qu'elle n'appelle à sa démission.

Selon le constitutionnaliste Burkinabè Abdoul Karim Saidou, ''l'opposition dispose de ressources juridiques classiques comme le droit de manifester, la prise de parole ou encore la motion de censure au parlement. Le reste est une question de rapport de forces. A elle seule, elle ne peut pas le contraindre à la démission mais cela est possible si la société civile s'y implique comme en 2014.''

Le chef de file de l'opposition Eddie Komboïgo reproche au président Kaboré de laisser les citoyens seuls face aux groupes armés.

''Le tableau du bilan est effroyable, plus de 2 000 morts avec des familles abandonnées dans la précarité et l'indifférence totale. Près de 2 millions de déplacés internes végétant dans la faim, plus de 2500 écoles fermées mettant plus de 400 000 élèves dans la rue. Des marchés asphyxiés, du bétail emporté sans aucune mesure de représailles,'' se désole l'homme politique.

Appels à l'unité nationale

Face à la montée de la contestation, le parti au pouvoir a convoqué samedi une réunion du bureau politique national.

Alassane Bala Sakandé, le président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), appelle d'abord à l'unité et répond aux critiques dont le pouvoir en place fait l'objet.

''C'est ensemble que nous pouvons construire ce pays, c'est ensemble que nous pouvons travailler à ce que ce pays reste debout. Le Burkina Faso a connu des difficultés, le Burkina Faso a toujours eu des épreuves depuis 74, 85, l'insurrection, les coups d'Etats manqués, et le Burkina Faso est toujours debout'', martèle le président du MPP, le parti au pouvoir.

Le président de la République Roch Marc Christian Kaboré a pour sa part appelé ses concitoyens à ''rester soudés et déterminés face aux forces du mal qui nous imposent une guerre sans merci''.



Le mois dernier, le président a annoncé une réorganisation de l'armée, notamment le remplacement du chef d'état-major général des armées burkinabè. Cette réorganisation faisait suite à une attaque au cours de laquelle 14 soldats ont été tués.

La majorité présidentielle accuse l'opposition de faire de la récupération politique sur une question qui nécessite de l'unité nationale.

''De nos jours, nous entendons par ci, par là des gens qui prédisent l'apocalypse pour leur propre pays. J'ai honte et j'ai mal à leur place. Il n'y aura pas d'apocalypse au Burkina Faso,'' regrette M. Sakandé.

''Sauvons le Burkina Faso''

Les inquiétudes de l'opposition sont également partagées par certaines organisations de la société civile. Elles annoncent dans la foulée la création d'un nouveau mouvement appelé ''Sauvons le Burkina Faso''.

Marcel Tankoano, le porte-parole dudit mouvement, indique que ''Sauvons le Burkina Faso'' va marcher pour exiger plus de sécurité pour les citoyens du pays des Hommes intègres.

''Notre conscience d'homme et de citoyen épris de paix et de sécurité ne saurait rester indifférent face aux campagnes en agonie, face aux populations en errance. Devant la misère de nos populations, et leur absence d'espérance, nous avons décidé de sauter le pas. Nous sommes animés d'un dessein ferme de travailler avec tous les acteurs à la libération totale de notre pays de ces souffrances devenues intenables et insoutenables.''

Une situation sécuritaire préoccupante

Le Burkina Faso est confronté à une crise sécuritaire de plus en plus grave, comme beaucoup de ses voisins. Des groupes armés mènent des raids et des enlèvements dans une grande partie de la région.

Cette année, l'attaque du village Solhan a particulièrement marqué les esprits par sa brutalité et le nombre des victimes dénombrées. Un massacre qui a coûté la vie à 160 personnes en juin 2021, essentiellement des civils.

Human Rights Watch dit avoir documenté des abus commis tant par les groupes armés que par les forces gouvernementales.

Plusieurs écoles ont été également contraintes de fermer les classes en raison du fragile contexte sécuritaire.

La région du Sahel est frappée par une crise depuis que des groupes armés islamistes ont occupé de grandes parties du nord du Mali en 2012 et 2013.

Les forces françaises sont engagées avec les armées du Mali, du Tchad, de la Mauritanie, du Niger et du Burkina Faso au sein du G5 Sahel pour combattre les militants particulièrement actifs dans la zone dite des "trois frontières" aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger.

La violence a entraîné le déplacement forcé de 3,4 millions de personnes, dont plus de 700 000 réfugiés et déplacés internes au cours de l'année écoulée.

Le Burkina Faso est le plus touché avec plus de 1,4 million d'hommes, de femmes et d'enfants déplacés à l'intérieur du pays, selon le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR).

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