CNC vs Médias : Quand la régulation devient un enjeu de crédibilité

PRESIDENT CNC 3 Image illustrative

Thu, 11 Dec 2025 Source: www.camerounweb.com

La 48e session ordinaire du Conseil National de la Communication révèle bien plus que de simples sanctions. Elle expose les fractures profondes entre régulation des médias et liberté de la presse au Cameroun, dans un contexte où chaque décision du CNC alimente le débat sur sa légitimité et son rôle.

Les suspensions de Serge Ateba et Ndzana Arsène, respectivement pour deux et un mois, cristallisent les tensions. Pour certains professionnels, ces mesures constituent une nécessaire régulation contre la désinformation et les dérives. D'autres y voient une censure déguisée, une atteinte à la liberté de la presse sous couvert de déontologie. La question centrale demeure : jusqu'où peut-on aller dans la critique des personnalités publiques sans tomber sous le coup de sanctions pour « manquements professionnels » ?

Cette interrogation résonne d'autant plus fort que les personnalités visées par les articles sanctionnés occupent des postes stratégiques. Le Directeur Général du Port Autonome de Douala, le Ministre des Travaux Publics, le Président de la Fédération de Judo : autant de figures dont le contrôle citoyen devrait, en principe, être facilité par une presse libre et vigilante.

L'affaire Mbombog Mbog Matip, directeur de Climat Social, est révélatrice d'une autorité du CNC que certains médias n'hésitent plus à défier ouvertement. Son refus de se présenter malgré une convocation par huissier pose plusieurs hypothèses : manque de confiance dans l'institution, crainte d'une instrumentalisation politique des procédures, ou volonté délibérée de tester les limites de la régulation ?

L'incapacité du CNC à localiser le siège de L'Émissaire ajoute à cet embarras institutionnel. Comment un média peut-il échapper aussi facilement au régulateur ? Cette situation questionne l'efficacité des moyens dont dispose le CNC pour identifier et sanctionner les médias en infraction. Faut-il renforcer ses pouvoirs, au risque d'accroître les accusations d'autoritarisme, ou repenser son rôle pour éviter les abus ?

Le classement sans suite de l'affaire Equinoxe TV contraste avec la sévérité des sanctions infligées à d'autres médias. Serge Alain Otou Etoundi a évité la suspension en justifiant avoir « encadré ses panélistes » et « réaffirmé le respect des décisions du Conseil Constitutionnel ». Cette clémence, bien que justifiable par la bonne foi démontrée, alimente les soupçons de « deux poids, deux mesures ».

Certains y voient la preuve que le CNC peut faire preuve de discernement et de souplesse. D'autres craignent que certains médias, plus influents ou mieux conseillés, ne bénéficient d'un traitement de faveur. Cette perception, qu'elle soit fondée ou non, fragilise la crédibilité du régulateur.

L'avertissement solennel adressé aux chaînes qui ont diffusé des émissions politiques pendant la suspension pré-électorale soulève d'autres interrogations. Pourquoi ces médias persistent-ils à enfreindre les règles ? La pression économique et le besoin d'audience suffisent-ils à expliquer ces infractions ? Les directives du CNC manquent-elles de clarté ? Ou s'agit-il d'une volonté délibérée de contourner des restrictions jugées excessives ?

La réponse est probablement multiple, mêlant impératifs commerciaux, flou réglementaire et contestation implicite du pouvoir de régulation en période sensible. Cette récurrence des infractions électorales suggère que le CNC peine à imposer son cadre, malgré les sanctions répétées.

Cette 48e session révèle les trois défis majeurs auxquels le CNC doit faire face pour asseoir son autorité. D'abord, trouver l'équilibre délicat entre liberté de la presse et responsabilité : comment sanctionner les abus sans étouffer la critique nécessaire au fonctionnement démocratique ? Ensuite, imposer son rôle face à des médias parfois récalcitrants, sans pour autant basculer dans l'autoritarisme. Enfin, garantir la transparence de ses procédures pour éviter les accusations de partialité ou d'instrumentalisation politique.

Le CNC se trouve à la croisée des chemins. Pour gagner la confiance des professionnels des médias tout en garantissant une régulation juste et équitable, l'institution devra prouver qu'elle n'est ni le bras armé du pouvoir, ni un tigre de papier incapable de faire respecter les règles du jeu médiatique. Un défi de taille dans un paysage médiatique camerounais en pleine mutation, où la frontière entre information et désinformation devient de plus en plus poreuse.

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