Le 7 octobre dernier, le président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguié Djibril, chef de délégation permanente régionale du comité central du Rdpc pour l'Extrême-Nord, a présidé à Maroua une rencontre réunissant des responsables politiques du parti au pouvoir de la région de l’Extrême-Nord et pompeusement baptisée «Grande conférence régionale pour le suivi par les élites des actions de remobilisation et de cohésion des populations pour la paix, la stabilité, le vivre ensemble et le développement». Avec le secret espoir d’y voir également prendre part, des « camarades » des régions du Nord et de l’Adamaoua. Hélas, sans succès ! Cette messe de Maroua faisait suite à une première, tenue le 22 janvier 2022 dans la même ville pour, officiellement, parler du conflit intercommunautaire ayant opposé quelques mois plus tôt, Mousgoum et Arabe-Choas. «Cette rencontre est le témoin de nos errements actuels au Rdpc à l’Extrême-Nord ; d’ailleurs en dehors du PAN lui-même, de son directeur de cabinet, de son fidèle allié Yaouba Abdoulaye et du secrétaire d’Etat aux Enseignements secondaires, Boniface Bayaola, personne d’autres n’a pris la parole. Il n’y a donc pas eu d’échanges, ni de débats. Il a été lu des résolutions de la rencontre du 22 janvier dernier n’ayant d’ailleurs aucun rapport avec ladite réunion sans que nous ne sachions au demeurant comment elles ont été élaborées et adoptées. Nous ne sommes pas des enfants», affirme un dignitaire politique de la région qui dénonce la volonté d’un trio, à savoir Cavaye Yeguié Djibril, son directeur de cabinet Boukar Abderahim et Yaouba Abdoulaye, de ruiner le crédit du parti au pouvoir dans cette région. Sous cape en effet, de nombreux responsables du parti au pouvoir s’inquiètent de la marche de la formation au pouvoir dans un environnement politique rendu difficile par l’éveil de la population. «Il n’y a aucune direction dans ce qui se fait actuellement. Nous sommes au pouvoir et nous mettons sur pied des structures au niveau de la commission régionale pour contrôler l’action du gouvernement, c’est un nonsens. Cavaye a créé, on ne sait ni comment, ni pourquoi et ni pour qui, un comité de suivi au niveau du Grand-Nord qu’il supervise et des cellules d’appuis au niveau des trois régions qu’il a confiées au ministre Yaouba Abdoulaye pour l’Extrême-Nord, au député Mamouda Ali pour le Nord et à Denis Koulagna pour l’Adamaoua. Comble de l’irone, dans la salle, ne se trouvait aucun responsable politique du Nord ou de l’Adamaoua», poursuit un ancien ministre, originaire de l’Extrême-Nord.
CRITIQUES
De fait, les observateurs politiques ont vite fait de déceler la fine manœuvre du président de l’Assemblée nationale derrière cette rencontre dont l’objectif est une certaine reprise en main politique de la région au moment où beaucoup remettent en cause son autorité. «Chaque fois que Cavaye annonce quelque chose, la première question est d’abord celle de l’authenticité de l’information : est-ce vrai ? Est-ce lui ? Ces questions sont troublantes et sèment le doute. De plus, il faut avoir le courage de le dire, le Président n’a plus la main, il n’est plus craint, il ne fait plus peur et à cela s’ajoute la rumeur selon laquelle le chef de l’Etat ne le reçoit plus ; ce qui n’est pas anodin dans notre système. Et pour couronner le tout, il a couronné le ministre Yaouba Abdoulaye, très contesté dans le Diamaré, et son directeur de cabinet qui ne peut faire le poids dans le Mayo-Sava face à un Ibrahim Talba. Du coup, les gens viennent quand ils peuvent, l’écoutent et retournent dans leur bastion faire ce que bon leur semble pour le parti. A cette allure, la catastrophe n’est pas loin», poursuit un élu du Mayo-Sava.
Vent debout contre Cavaye Yéguié Djibril, les militants le sont également. Il est accusé de n’avoir pas mis en débat les véritables préoccupations de la population, pour entretenir le public sur «une chèvre volée», alors même qu’il était attendu sur les inondations qui touchent 13 000 familles environ ; l’insécurité qui persiste avec Boko Haram ; la famine qui frappe toujours aux portes ; le mauvais état des routes, particulièrement la nationale n°1 Mora-DabangaKousseri ; la voirie urbaine de Maroua, et les problèmes énergétiques. «J'ai convoqué cette réunion, afin qu’ensemble, nous puissions réfléchir sur les conditions de développement de notre région, que dis-je, de toutes les régions septentrionales quand on sait que nos destins sont intimement liés. C'est pourquoi je relève la présence parmi nous, des invités spéciaux des régions de l'Adamaoua et du Nord. En effet, confrontés aux difficultés de toutes natures, sécuritaire, alimentaire, énergétique et infrastructurelle, la région de l’Extrême-Nord se trouve aujourd'hui fragilisée», a pourtant déclaré dans sa prise de parole Cavaye Yéguié Djibril, sans laisser le choix aux uns et aux autres de s’exprimer sur ces questions poignantes. Pour lui, l’essentiel n’était-il pas ailleurs ?