Le lanceur d'alerte Boris Bertolt affirme que le Secrétaire général de la Présidence n'a pas été reçu par le chef de l'État depuis l'élection présidentielle du 12 octobre 2025. Une révélation qui contredit frontalement l'article de Jeune Afrique publié le 11 décembre, affirmant qu'une longue audience aurait eu lieu le 7 décembre. Qui dit vrai dans cette guerre de l'information autour du pouvoir camerounais ?
C'est une révélation explosive qui jette le trouble sur la réalité des rapports entre le président Paul Biya et son tout-puissant Secrétaire général. Selon le lanceur d'alerte Boris Bertolt, Ferdinand Ngoh Ngoh n'aurait pas été reçu par Paul Biya depuis le 12 octobre 2025, date de la présidentielle controversée. Cette affirmation contredit directement les informations publiées par Jeune Afrique le 11 décembre, selon lesquelles le Secrétaire général aurait été reçu pendant de longues heures par le président le 7 décembre dernier.
Cette contradiction soulève des questions fondamentales sur la situation réelle de Ferdinand Ngoh Ngoh au sommet de l'État. Si la version de Boris Bertolt s'avère exacte, cela signifierait que le bras droit du président camerounais serait en réalité tenu à distance depuis plus de deux mois, une durée inhabituellement longue pour un homme réputé être le pivot de l'appareil présidentiel. À l'inverse, si l'information de Jeune Afrique est exacte, cela pose la question des sources et des motivations du lanceur d'alerte.
Jeune Afrique : une audience du 7 décembre et un renouvellement de confiance
Dans son article du 11 décembre signé Georges Dougueli, Jeune Afrique affirmait de manière catégorique que Ferdinand Ngoh Ngoh avait été reçu "pendant de longues heures" par Paul Biya "dans l'après-midi du 7 décembre dernier". Selon le magazine panafricain, cette audience aurait été l'occasion pour le président de renouveler sa confiance à son Secrétaire général, malgré les vents contraires soufflant à Yaoundé.
Jeune Afrique allait plus loin en affirmant que Ngoh Ngoh serait "depuis lors assuré de conserver son poste" et qu'il pourrait même "avoir les coudées franches pour la formation du futur gouvernement". Le magazine détaillait les propositions de remaniement que le Secrétaire général aurait en tête : le remplacement des ministres Laurent Esso (Justice) et René Emmanuel Sadi (Communication), ainsi que celui de Paul Atanga Nji à l'Administration territoriale par Philippe Mbarga Mboa.
La révélation du lanceur d'alerte Boris Bertolt contredit radicalement ce récit. Selon lui, aucune rencontre n'aurait eu lieu entre Ngoh Ngoh et Biya depuis la présidentielle d'octobre. Si cette information se confirme, elle indiquerait une mise à l'écart progressive du Secrétaire général, peut-être en réaction à ses multiples échecs récents dans le contrôle de l'appareil d'État.
Cette version s'inscrirait dans la logique des déboires de Ngoh Ngoh que Jeune Afrique lui-même avait documentés dans son article. Le magazine rappelait notamment que le 7 décembre, au moment où l'audience aurait supposément eu lieu, un conseil d'administration de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) s'était tenu sans le Secrétaire général, alors que la présidence de cette instance lui revient selon les textes. Un camouflet qui illustre l'érosion de son autorité.
Que l'audience du 7 décembre ait eu lieu ou non, les difficultés de Ferdinand Ngoh Ngoh sont bien documentées. Jeune Afrique détaillait ses échecs répétés face à Adolphe Moudiki, l'administrateur-directeur général de la SNH, qui refuse désormais de le voir et qui lui reproche d'avoir tenté de le renverser à deux reprises, les 17 et 24 juillet 2024. À l'époque, Paul Biya avait donné son accord avant de se raviser, affaiblissant considérablement la position de son Secrétaire général.
Le magazine rapportait également l'échec de Ngoh Ngoh dans sa tentative de remplacer Charles Ndongo à la tête de la CRTV par George Ewane. René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication, avait court-circuité le projet, démontrant que le Secrétaire général n'est plus en mesure d'imposer ses choix face aux "poids lourds" du régime. Ces revers successifs ont alimenté les spéculations sur une possible disgrâce.
Jeune Afrique attribuait le maintien de Ngoh Ngoh au "soutien indéfectible de la première dame Chantal Biya, qui a eu le dernier mot auprès de son époux". Selon le magazine, c'est l'activisme de la première dame qui aurait brisé les espoirs de ceux qui souhaitaient la disgrâce du Secrétaire général. Mais si la révélation de Boris Bertolt est exacte et qu'aucune audience n'a eu lieu depuis octobre, cela signifierait soit que l'influence de la première dame est surestimée, soit qu'elle n'a pas réussi à obtenir cette audience cruciale pour son protégé.
Cette question du rôle de Chantal Biya est centrale dans la compréhension des équilibres du pouvoir camerounais. Traditionnellement présentée comme une alliée de Ngoh Ngoh, la première dame serait-elle encore en mesure de peser sur les décisions présidentielles ? Ou assiste-t-on à un réalignement des forces au sommet de l'État, où même les soutiens les plus solides ne suffisent plus à maintenir en place un homme devenu trop encombrant ?
Au-delà de la question factuelle de savoir si cette audience a eu lieu ou non, cette contradiction entre Jeune Afrique et Boris Bertolt révèle l'intensité de la guerre de l'information qui fait rage autour du pouvoir camerounais. Dans un régime aussi opaque que celui de Paul Biya, où les décisions se prennent dans le secret du palais présidentiel et où les apparitions publiques du chef de l'État se font rares, chaque information sur les audiences, les faveurs et les disgrâces devient un enjeu politique majeur.
Les partisans de Ngoh Ngoh ont intérêt à faire croire que leur champion conserve la confiance présidentielle, même si ce n'est pas le cas. Inversement, ses ennemis, nombreux au sein de l'appareil d'État, ont tout intérêt à propager l'idée d'une mise à l'écart, quitte à exagérer ou inventer une absence de contact avec le président. Dans ce contexte, établir la vérité devient presque impossible pour les observateurs extérieurs.
Quelle que soit la vérité sur cette audience du 7 décembre, le prochain remaniement gouvernemental sera le test décisif pour Ferdinand Ngoh Ngoh. Si les propositions détaillées par Jeune Afrique se concrétisent avec le départ de Laurent Esso, René Emmanuel Sadi et Paul Atanga Nji, cela confirmera que le Secrétaire général conserve effectivement les coudées franches. Si au contraire ces ministres sont maintenus, ou pire, si c'est Ngoh Ngoh lui-même qui est remplacé, cela validera la thèse d'une disgrâce progressive.
Le remaniement permettra également de vérifier si les autres propositions attribuées à Ngoh Ngoh se matérialisent : le remplacement de Martin Mbarga Nguélé à la Sûreté nationale par Victor Ndocky, celui de Samuel Mvondo Ayolo au Cabinet civil par André Magnus Ekoumou, ou encore la mutation d'Oswald Baboke, devenu "trop indépendant" selon Jeune Afrique. Autant de nominations qui signeraient le triomphe du Secrétaire général sur ses rivaux, ou dont l'absence confirmerait son affaiblissement.
Jeune Afrique rappelait que Ferdinand Ngoh Ngoh a "bouclé sa quatorzième année comme secrétaire général de la présidence", une longévité exceptionnelle à ce poste stratégique. Mais cette durée pourrait aussi jouer contre lui. Comme l'évoquait le magazine, ses prédécesseurs Titus Edzoa, Marafa Hamidou Yaya et Jean Marie Atangana Mebara ont tous fini par "se brûler les ailes" en tentant de contrôler trop de leviers du pouvoir.
La révélation de Boris Bertolt sur l'absence d'audience depuis octobre s'inscrirait dans cette logique historique d'un Secrétaire général devenu trop puissant et que le président décide finalement d'écarter. Mais si Jeune Afrique dit vrai et que l'audience du 7 décembre a bien eu lieu, cela signifierait au contraire que Ngoh Ngoh a réussi là où ses prédécesseurs ont échoué : survivre aux tempêtes et conserver la confiance présidentielle malgré les échecs.
Dans les prochaines semaines, le Cameroun sera attentif aux signes qui permettront de trancher cette énigme. La formation du nouveau gouvernement, attendue depuis la réélection de Paul Biya en octobre, sera le moment de vérité pour Ferdinand Ngoh Ngoh. En attendant, la contradiction entre les révélations de Boris Bertolt et les informations de Jeune Afrique illustre parfaitement l'opacité du pouvoir camerounais, où même les faits les plus élémentaires comme la tenue d'une audience peuvent faire l'objet de versions contradictoires.