L'écrivaine panafricaniste livre une nouvelle charge cinglante contre le parti au pouvoir, accusé de consumer ses propres élites et de contraindre Paul Biya au recyclage politique à l'approche de la présidentielle d'octobre.
À quatre mois de l'élection présidentielle d'octobre 2025, Calixthe Beyala remet une pièce dans la machine critique. L'écrivaine franco-camerounaise, connue pour ses prises de position tranchées, a livré vendredi une nouvelle salve contre le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti au pouvoir depuis 43 ans.
Dans une formule saisissante, l'auteure de "Tu t'appelleras Tanga" compare le parti présidentiel à un brasier destructeur plutôt qu'à une source d'éclairage. "Le RDPC n'est pas appelé Parti de la Lumière, mais celui de la Flamme. Ça n'éclaire pas mais ça brûle", lance-t-elle avec l'ironie mordante qui la caractérise.
Cette métaphore du feu n'est pas anodine dans la bouche de Beyala. Elle traduit, selon l'écrivaine, un phénomène de destruction systémique au sein de l'appareil du RDPC. "Tous ceux qui s'y sont aventurés en profondeur se sont grillés, ce qui explique qu'il n'y ait aucun successeur à Paul Biya", assène-t-elle, pointant du doigt ce qu'elle perçoit comme une vampirisation du système politique camerounais.
Cette analyse touche au cœur d'un débat récurrent dans la classe politique camerounaise : la question de la succession présidentielle. Après plus de quatre décennies au pouvoir, le système semble effectivement peiner à produire une relève crédible, contraignant, selon les mots de Beyala, les dirigeants à "recycler" les mêmes figures.
L'observation de l'écrivaine résonne particulièrement dans un contexte où plusieurs personnalités politiques de premier plan ont vu leur carrière s'interrompre brutalement ou décliner après s'être aventurées trop près des cercles du pouvoir. Cette dynamique, si elle se confirme, révélerait un système politique davantage conçu pour préserver un équilibre existant que pour renouveler ses élites.
Ce qui frappe dans la dernière intervention de Beyala, c'est la complexité de son positionnement politique. Loin de verser dans un opposition systématique, l'écrivaine maintient certaines de ses positions antérieures tout en durcissant sa critique du système.
Ainsi, elle réaffirme sa conviction que Paul Biya avait légitimement remporté l'élection présidentielle de 2018, une position qui l'avait alors mise en porte-à-faux avec une partie de l'opposition. Mais parallèlement, elle monte au créneau pour défendre Maurice Kamto et le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) contre ce qu'elle qualifie de "cabale" orchestrée par le pouvoir.
Cette posture nuancée illustre la volonté de Beyala de se positionner au-dessus de la mêlée partisane, préférant analyser les dynamiques politiques avec la distance critique de l'intellectuelle qu'elle revendique être.
Dans sa dernière prise de parole, l'auteure s'attache également à démonter ce qu'elle appelle les "mensonges délibérés" propagés par les tenants du pouvoir. Elle s'insurge notamment contre l'idée que l'opposition, et Maurice Kamto en particulier, seraient "en odeur de sainteté à Paris".
Cette défense de l'opposition s'accompagne cependant d'une critique de certaines de ses pratiques. Beyala qualifie de "contre-productif et puéril" le fait pour certains opposants d'inviter des ambassadeurs à leurs congrès, suggérant que de telles pratiques alimentent les accusations d'inféodation à l'étranger.
Les interventions répétées de Calixthe Beyala dans le débat politique camerounais ne laissent personne indifférent. Son statut d'écrivaine reconnue internationalement, sa connaissance intime des rouages politiques africains et sa capacité à manier la formule choc en font une voix qui porte au-delà des cercles littéraires.
Ses critiques du RDPC s'inscrivent dans une démarche plus large de dénonciation des maux qui, selon elle, minent le Cameroun. Cette posture d'intellectuelle engagée lui permet d'occuper un espace particulier dans le paysage politique national, celui de la critique constructive et indépendante.
Au-delà de la personnalité de Beyala, ses observations soulèvent des questions fondamentales sur la nature du système politique camerounais. L'incapacité présumée du parti au pouvoir à renouveler ses cadres dirigeants interroge sur sa capacité à se réinventer et à répondre aux attentes d'une société en mutation.
Cette problématique n'est pas propre au Cameroun et se retrouve dans plusieurs pays africains où des systèmes politiques installés depuis des décennies peinent à assurer leur renouvellement. Elle pose la question plus large de la vitalité démocratique et de la capacité des institutions à évoluer avec leur temps.
L'image du "parti des flammes qui brûle tout" utilisée par Beyala pourrait ainsi dépasser le cadre strictement camerounais pour interroger plus largement sur les mécanismes de pouvoir en Afrique et leurs effets sur le renouvellement des élites politiques.
À l'approche de l'échéance électorale d'octobre, les interventions de figures comme Calixthe Beyala contribuent à structurer le débat public et à poser les enjeux en des termes parfois inattendus. Sa capacité à formuler des critiques précises tout en maintenant une certaine équidistance partisane en fait un acteur particulier de cette séquence pré-électorale.
Reste à voir si ces prises de position auront un impact sur les dynamiques politiques en cours et si elles contribueront à faire émerger les questions de fond que soulève la gouvernance camerounaise. Dans un paysage politique souvent polarisé, la voix de Beyala offre en tout cas une perspective originale qui mérite attention.