C’est un secret de polichinelle. L’ancien président du Cameroun Ahmadou Ahidjo ne refusait pas grande chose à ses partenaires français. Selon plusieurs analystes de l’époque, il fut placé à la tête du Cameroun pour empêcher la prise du pouvoir par les nationalistes qui combattaient les colons pour l’indépendance du Cameroun. Vers la fin de son régime, Ahmadou Ahidjo fut tenté par quelques velléités d’autonomie. Mais à chaque fois, il fut recadré par ses « maîtres ». Ce fut le cas lors de la création de la première compagnie aérienne du Cameroun. La France s’est opposée aux choix de Ahidjo. L’écrivain Enoh Meyomesse revient sur ces périodes de dépendance du président camerounais.
A – Cameroon Airways véto de Paris : Cameroon Airlines plutôt
1971. Ahmadou Ahidjo quitte Air Afrique, la compagnie aérienne continentale créée sous l’égide de l’OCAM. Il estime que le Cameroun y est lésé, par rapport à la Côte d’Ivoire et au Sénégal, alors que c’est lui qui réalise le plus gros chiffre d’affaires. Il décide de créer sa propre compagnie aérienne.
Pour ce faire, contre toute attente, Ahmadou Ahidjo se tourne vers la Belgique, comme partenaire de la future compagnie aérienne nationale. Les pourparlers avancent convenablement. Le nom est trouvé : « Cameroon Airways », partenaire technique : Société Anonyme Belge de Navigation Aérienne, SABENA, l’ancêtre de Brussels Airlines. Véto de Paris. Pas question de traiter avec les Belges.
SABENA est remplacée par Air France, qui devient même actionnaire de la future compagnie, dont l’appellation change dans le même temps, et devient « Cameroon Airlines ». Novembre 1971 : le premier avion de la Camer atterrit à Yaoundé en provenance de Douala, et à destination de Garoua. Ahidjo lui-même était à l’aéroport pour l’accueillir .
Cet épisode de la création de la Camair sera suivi d’autres décisions du Président Ahidjo visant à sortir de la trop grande dépendance de Paris.
B – La télévision nationale : Siemens Allemagne et
Thomson France
A la fin de son règne, Ahmadou Ahidjo décide finalement de doter le Cameroun d’une chaîne de télévision, chose à laquelle il avait été jusque-là totalement opposé. Le Cameroun a été ainsi pratiquement le dernier pays au monde à disposer d’une télévision. Le Gabon, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Congo-Brazzaville s’en étaient dotée depuis 1963. Pas le Cameroun. Le dernier pays à se l’offrir avant le nôtre avait été le Niger, en 1971.
Dans ce dossier également, le Président Ahidjo décide de ne pas recourir à la France. Il s’adresse aux Allemands. Paris boude. Il se rétracte. Il partage finalement les commandes. A l’Allemagne le bâtiment du siège et tous les appareils jusqu’aux studios : Siemens. A la France il attribue le marché des relais à travers le territoire, de Kousseri à Kyo-si : Thomson.