Jeune Afrique révèle l'ampleur de la répression contre les partisans de l'opposant. Des dizaines d'autres détenus auraient été transférés secrètement à Ntui.
Alors que le bras de fer entre Paul Biya et Issa Tchiroma Bakary s'intensifie, Jeune Afrique lève le voile sur l'ampleur de la répression qui s'abat sur les partisans de l'ancien ministre de la Communication. Les chiffres révélés par le magazine panafricain sont édifiants et témoignent d'une stratégie d'isolement de l'opposant.
Selon les informations exclusives obtenues par Jeune Afrique auprès des avocats d'Issa Tchiroma Bakary, 121 personnes sont actuellement détenues dans des services de gendarmerie à Yaoundé. Parmi elles figurent 9 mineurs, une information qui soulève de graves questions sur le respect des droits de l'enfant dans le cadre de cette répression postélectorale.
Le magazine précise que peu d'informations filtrent sur les motifs exacts des arrestations, l'identité complète ou le nombre total de personnes interpellées et incarcérées à travers le pays. Cette opacité autour des détentions alimente les inquiétudes des organisations de défense des droits humains.
Jeune Afrique révèle également qu'une trentaine d'autres personnes, non identifiées et initialement en garde à vue au commissariat central n°1 de Yaoundé, ont été transférées dans la ville de Ntui, dans la région du Centre. Ces transferts, effectués discrètement, soulèvent des interrogations sur les conditions de détention et l'accès à la défense pour ces personnes.
Les statistiques concernant les autres villes du pays demeurent inconnues du grand public, ce qui laisse supposer que le nombre total de détenus pourrait être considérablement plus élevé que les chiffres communiqués pour la seule capitale.
Selon l'analyse de Jeune Afrique, ces interpellations massives répondent à une stratégie claire du président Paul Biya : isoler son adversaire et neutraliser ses relais pour réduire sa capacité d'action et de nuisance sur le terrain.
« Par ces interpellations, Paul Biya entend isoler son adversaire et neutraliser ses relais pour réduire sa capacité d'action et de nuisance », explique le magazine, qui rappelle que le président camerounais aborde cette nouvelle bataille avec son flegme habituel, après avoir déjà été confronté à des situations similaires en 1992 avec John Fru Ndi, et en 2018 avec Maurice Kamto.
Des accusations de « purges ethniques et au faciès »
Face à cette répression, Issa Tchiroma Bakary, retranché à Yola au Nigeria, a lancé un ultimatum de quarante-huit heures au régime pour la libération de tous les détenus. Dans une vidéo diffusée le 9 novembre, l'opposant a accusé le pouvoir de pratiquer « du gangstérisme et du terrorisme d'État en procédant à des purges ethniques et au faciès ».
« Des centaines de Camerounais sont incarcérés, persécutés en dehors de toute procédure judiciaire », a dénoncé l'ancien ministre, menaçant d'actions de « légitime défense » si ses partisans ne sont pas libérés.
Ce qui inquiète particulièrement les observateurs, c'est le silence qui entoure les conditions de détention de ces personnes. Aucune information officielle n'a été communiquée par les autorités sur les charges retenues contre elles, ni sur leur accès à des avocats ou à leur famille.
La présence de mineurs parmi les détenus ajoute une dimension particulièrement préoccupante à cette affaire, soulevant des questions sur le respect des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant, que le Cameroun a pourtant ratifiées.
Les révélations de Jeune Afrique mettent en lumière l'ampleur d'une répression qui dépasse largement les quelques cas médiatisés, et posent la question de la proportionnalité de la réponse des autorités face à la contestation postélectorale.