Condamné à mort depuis le 24 novembre 1982, le plus vieux détenu de ce pénitencier du département de la Menoua aujourd’hui âgé de 64 ans fonde son espoir sur le pouvoir discrétionnaire du président de la République afin de recouvrir la liberté.
L’accueil réservé au reporter le mardi 13 juin dernier dès la présentation du prétexte de sa présence à la prison principale de Dschang témoigne à suffisance l’intérêt accordé au cas de Fabien Tsafack, détenu dans ce pénitencier depuis le 24 novembre 1982. Il est 13h 32. Deux gardiens de prison campent à l’extérieur de ce pénitencier situé à un jet de pierres du Palais de justice de Dschang.
Ici, sous un soleil ardent, tous les faits et gestes des visiteurs sont scrutés. Un calme plat règne à la cour extérieure de cette prison. Mais proche de la barrière de ce pénitencier, les fruits venant de l’intérieur justifient la présence des personnes en ce lieu. Celle d’un autre corps étranger à ce milieu fait l’objet de toutes les attentions. Rapproché de ces agents installés à la véranda du premier bâtiment administratif abritant les services du régisseur adjoint, selon une plaque indicative, le reporter n’échappe pas aux usages préalables habituels imposés à tout visiteur dans ce pénitencier. Il sera conduit vers le plus proche collaborateur du régisseur. Ce dernier se charge de nous conduire auprès du patron des lieux.
Chemin faisant, il engage les échanges au sujet de la situation pénale de ce détenu qui cristallise les attentions. « Le cas de Fabien Tsafack nous dérange énormément. Nous ne comprenons pas pourquoi il est en prison jusqu’à présent. Nous souhaitons le voir libre. Surtout que nous ne lui reprochons de rien. Il est d’ailleurs très discipliné », lâche-t-il. Au bureau du régisseur, ce dernier plongé dans les dossiers urgents nous accorde une oreille attentive. Le temps d’un échange, l’Officier supérieur Aimé Clotaire Essoh Nyambe, confie avoir reçu la demande d’une grâce présidentielle introduite par le détenu Fabien Tsafack. « Nous avons actuellement six condamnés à vie et six condamnés à mort dans notre prison. Mais le cas de Fabien Tsafack nous préoccupe plus. Personne ne comprend pourquoi il n’a jamais bénéficié d’une remise encore moins d’une grâce présidentielle », s’interroge-t-il.
« Les magistrats qui ont pris connaissance de son dossier judiciaire et pénal sont préoccupés. Pour ce cas, nous sommes chargés de transmettre son dossier parce que nous pensons qu’au regard de l’assiduité du détenu, du temps passé en prison et surtout de son âge, il est important qu’il soit libre. Quand c’est un bandit de grand chemin, sa lettre ne nous motive pas. Pour ce cas, nous constatons qu’il s’agit d’un responsable. D’ailleurs, les choses ont déjà évolué. Le motif de sa peine n’est plus d’actualité. Même quand le procureur a vu ce motif et sa peine, il a pensé qu’il est temps que le détenu fasse recours au chef de l’Etat dans le but de bénéficier d’une grâce présidentielle », a-t-il ajouté.
« Recel aggravé de poste radio ».
Des six personnes condamnées à mort incarcérées à la prison principale de Dschang, figure Fabien Tsafack. Il a été condamné le 24 novembre 1982 pour « recel aggravé de poste radio ». C’est avec les lèvres tremblantes que le plus vieux détenu de ce pénitencier du département de la Menoua évoque les difficultés rencontrées pendant les 41ans de privation de liberté. En cassation après la dernière audience y relative en 1990, il a déjà saisi en 2020 le procureur de la République pour lui demander de se rappeler de sa situation pénale.
Cette demande avait été transmise à cette autorité judiciaire par le régisseur d’alors, confie le régisseur en fonction. Mais jusqu’ici rien n’a été fait. Le mécanicien chauffeur qui s’apprêtait à fonder une famille alors qu’il était âgé de 22 ans, est devenu cordonnier et fabriquant de sac à la prison pour se prendre en charge. C’est avec une mine serrée qu’il confie avoir perdu ses deux parents pendant son incarcération. Le natif de Foreké-Dschang, aujourd’hui âgé de 64 ans a engagé cette autre procédure à la suite des conseils de l’un de ses compagnons de prison afin de recouvrer la liberté.
« Je veux simplement voir le mât de drapeau installé à l’extérieur de cette prison », lance-t-il dans un ton triste. Selon ses déclarations, sa situation aurait évolué autrement si la prison centrale de Bafoussam n’avait été brulée pendant les villes mortes. Ayant perdu son dossier à la suite des flammes, il est conduit avec les autres détenus à la prison de Mantoum avant d’être transféré à la prison principale de Dschang. Afin de bénéficier de la grâce présidentielle, il a, dans une correspondance saisi le président de la République sous le couvert du régisseur de cette prison. Une procédure qui respecte les usages en la matière si l’on s’en tient aux affirmations d’Aimé Clotaire Essoh Nyambe, régisseur de la prison principale de Dschang. En trois exemplaires dont une copie pour lui, une à transmettre à qui de droit et une autre conservée dans son dossier d’incarcération, dans sa « Demande d’une grâce présidentielle », datant du 10 mai dernier, Fabien Tsafack dit vouloir bénéficier du « pouvoir discrétionnaire » du chef de l’Etat.
L’espoir de fonder une famille
Âgé de 64ans, cet homme n’a jamais goûté au bonheur du mariage et celui d’avoir des enfants et des petits enfants à l’image des personnes de son âge restées en liberté. Il pense que seul un décret présidentiel peut désormais lui permettre d’en bénéficier. Cette grâce présidentielle lui permettra de réaliser l’espoir de fonder une famille malgré son histoire et son âge. « En effet, je suis détenu depuis le 24 novembre 1982 pour avoir recelé un poste radio. Détenu près de 41 ans dans la prison, j’ai sollicité sans espoir l’indulgence de vos collaborateurs qui n’ont jamais pris en compte les données du nouveau Code pénal qui prévoit que le vol par infraction est puni de six mois à cinq ans d’emprisonnement pour le vol aggravé.
Voici que je passe 41 ans en prison pour vol aggravé sans mort d’homme. Une réalité qui relève d’une bavure judiciaire et mérite réparation. Toutefois, je viens solliciter votre indulgence pour m’accorder une grâce présidentielle me permettant de recouvrir ma liberté », pouvait-on lire de cette demande qui a fuité. « Depuis plus de 41 ans, mon comportement exemplaire et ma bonne conduite sont gage de mon intégration sociale comme mon insertion sociale. En effet, je suis camerounais de 64 ans. J’ai toujours malheureusement été écarté de ceci. C’est la raison pour laquelle j’implore votre aide qui me sortira de cette situation que je ne maitrise plus. Je voudrai avoir aussi la joie comme tout autre père de fonder ma propre famille », souhaite- t-il.