Cameroun : Boko Haram sème la terreur à Kofia

6 commerçants ont été tués

Fri, 4 Aug 2023 Source: Oiel du Sahel N°1829

La nouvelle a fait le tour du marché de Katikimé dans l’arrondissement de Hilé Alifa, hier. Un semblant de normalité règne encore dans ce marché où pêcheurs et agriculteurs se rencontrent selon un rituel vieux de plusieurs années. Mais de plus en plus, la méfiance est là. Les uns et les autres se savent surveillés, et sont conscients que les terroristes de Boko Haram y ont des relais, aussi bien pour le ravitaillement que pour le renseignement.

La veille, à quelques kilomètres de Kofia, plus à l’Est, huit pêcheurs ont été égorgés par des terroristes présentés comme appartenant à la branche Boko Haram dirigée par un certain Bakura, lequel aurait fait alliance avec des factions Buduma. De l’avis des habitués de la zone, et surtout d’un jeune de 18 ans, seul rescapé de cette macabre journée, les terroristes ont perpétré cet acte ignoble pour étouffer dans l’œuf toute tentative de rébellion des pêcheurs et des commerçants. «Ceux qui ont été tués se rendaient à Ndjamena vendre du poisson. Pourquoi ont-ils été sauvagement tués ? Il semble qu’il avait été convenu qu’ils devaient fournir à cette faction de Boko Haram, du riz, lors de ce passage et qu’ils n’ont pas tenu parole», fait savoir Alifa, qui cache mal son inquiétude face à la tournure des événements. La compétition entre les factions terroristes exacerbe les tensions dans le lac Tchad. «La faction de Bakura pense qu’elle est sous-estimée par rapport à Iswap et que c’est la principale raison pour laquelle les pêcheurs et les commerçants rechignent à exécuter leurs ordres. Elle fait donc preuve de cette monstruosité pour faire passer un message sur sa capacité à élever le niveau de la terreur. Nous sommes ici dans une surenchère de la terreur comme moyen de contrôle de la population du lac Tchad», analyse Abakar, trafiquant de Zoua-Zoua, installé dans l’arrondissement de Hilé Alifa.

TAXES SUR LES ACTIVITÉS DE PÊCHES

Peu à peu, dans la zone du lac Tchad, la présence des terroristes est perçue comme une situation normale. Ils sont présents dans une dizaine d’îles où leur administration fonctionne tant bien que mal. Des taxes sont collectées à des checkpoints érigés à cet effet et connus de ceux qui peuplent le lac. «Chaque sac de poisson fumé est taxé à 1500 Fcfa, le non fumé à 1000 Fcfa», explique un pêcheur. Des taxes sur l’activité de la pêche existent aussi. Et varient selon la taille de la pirogue et des mailles des filets. Selon les riverains, il faut payer entre dix et vingt mille francs. «Nous n’avons pas de choix», confie Alifa. «La présence militaire dans le lac est très faible, et nous sommes donc à leur merci», poursuit-il. Résigné, il rappelle que ce n’est pas la seule attaque qui fait débat ici. Ce même mercredi 2 août 2023, toujours dans la journée, 18 pêcheurs ont été enlevés à une dizaine de kilomètres de Darak, avec leurs pirogues. 6 ont été relâchés. Les terroristes qui, dans un premier temps, réclamaient 5 millions de Fcfa par tête, n’en demandent plus que 15 pour les 12 otages. Aussi, dans les mêmes conditions près de Kofia, le 6 juillet, six pêcheurs avaient été enlevés et l’on est toujours sans nouvelles d’eux. La faction de Boko Haram responsable de ces actes est passée maître dans la violence, ciblant tous ceux qui sont perçus comme collaborateurs du gouvernement ou qui refusent de payer les taxes imposées. «Nous sommes asphyxiés par les taxes. Pour un sac de poisson, tu dois payer trois taxes, auprès de Boko Haram, de Iswap, de la commune quand ce ne sont pas des soldats qui les prélèvent», regrette Mahamat, un pêcheur

Source: Oiel du Sahel N°1829