Au cours d’une conférence à l’ENAM le 09 mars dernier, Philippe Larrieu, ministre conseiller à l’ambassade de France au Cameroun a fustigé les clichés qui entourent la coopération entre les deux pays.
La relation entre la France et l’Afrique en général, et singulièrement entre la France et le Cameroun, est généralement entourée d’un nuage de préjugés. « Je ne suis pas venu ici pour vous dire quelle est la politique africaine de la France comme d’aucuns le prétendent. Parce qu’il n’y a plus de politique africaine de la France… », Avait alors déclaré Emmanuel Macron à Ouagadougou (Burkina Faso), le 28 novembre 2017. Et c’est dans le prolongement de cette clarification que Philippe Larrieu, ministre conseiller à l’ambassade de France au Cameroun a entretenu les élèves de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature de Yaoundé (ENAM) le 9 mars dernier sur le thème : «Mythes et réalités de la relation franco-camerounaise». En dépit de l’effort de communication et des multiples déplacements de l’ambassadeur de France à travers le Cameroun, le diplomate français regrette que « l’image de la France a longtemps pâti d’un préjugé défavorable au Cameroun, préjugé fondé sur des clichés qui ont la vie dure ».
Pour battre en brèche ces considérations, avec chiffres et arguments de valeur à l’appui, Philippe Larrieu a fait le tour de la coopération entre son pays et le Cameroun, sous les plans économique, politique et sociétal. En effet, la France et le Cameroun entretiennent un dialogue régulier. On en veut pour preuve, selon le diplomate français, la fréquence et la durée des audiences accordées à l’ambassadeur de France par le président Biya et qui battent tous les records. Dans son édition du 05 mars dernier, le journal La Nouvelle révélait que l’ambassadeur Gilles Thibault, « se faisant l’écho du président Macron aurait clairement demandé au président Biya de libérer les sécessionnistes au rang desquels Sisuku Ayuk Tabe ». Sur ce sujet, Philippe Larrieu a été clair: « l’ambassadeur de France au Cameroun n’a jamais formulé, et ne formulera jamais de demandes comminatoires au président Biya, pas plus que le président Macron n’a écrit, ni n’écrira à son homologue camerounais sur ce sujet. Il y a des procédures d’enquêtes en cours qui déboucheront, ou ne déboucheront pas, sur des procédures juridictionnelles. Il n’appartient pas à la France d’y interférer. » Sur les questions de défense et de sécurité qui nourrissent des fantasmes, Philippe Larrieu a également réfuté les informations selon lesquelles la France soutient Boko Haram, et a envoyé des militaires qui opèrent dans les régions anglophones. « Les seuls militaires français et assimilés (gendarmes, policiers et pompiers) travaillant au Cameroun (seulement 14 au total) sont tous des coopérants.
Ils travaillent à Yaoundé, principalement à l’École Supérieure Internationale de Guerre(ESIG) et à l’École internationale des Forces de sécurité (EiForces) », dira-t-il. Partenariat stratégique Comme les nombreuses questions formulées par les étudiants de l’ENAM, le sujet sur la zone franc est assurément le point culminant des critiques vis-à-vis de la France, et qui considèrent le franc CFA comme « une survivance néocoloniale ». Mais la France est bien présente au conseil d’administration et au comité de politique monétaire de la BEAC, avec deux représentants sur 14, sans droit de veto. S’agissant des performances économiques de la zone franc, une certaine opinion estime que l’appartenance à la zone franc est un frein au développement et que le FCFA n’a pas permis l’émergence des économies de la zone franc. En réalité, les performances des pays de cette zone ne sont pas moins bonnes que celles de leurs voisins d’Afrique subsaharienne. Un exemple pour l’étayer : en termes de produit intérieur brut (Pib) par habitant, les niveaux du Gabon (7500 USD) et du Botswana (7000 USD) sont similaires, comme ceux du Congo (1800 USD) et du Ghana (1600 USD), par exemple. En définitive, la relation franco-camerounaise revêt, chaque jour davantage, la dimension d’un partenariat stratégique à l’échelle de la région toute entière. « Il est temps que le Cameroun prenne conscience qu’il peut, et doit assumer un leadership régional. Et il est temps que la France l’appui dans cette démarche », suggère le diplomate français. Cela est d’autant plus vrai que de par son étendue, sa démographie, la taille de son économie et la résilience de sa population, le Cameroun dispose de nombreux atouts.
Il peut ainsi prendre l’initiative de réunir les pays de la région, dans une approche qui peut aller jusqu’aux confins du Sahel. Environ 300 entreprises françaises employant des milliers de nationaux sont implantées au Cameroun. Elles représentent 30% du total des recettes fiscales chaque année, avec Orange (télécommunications), Société générale (banque) et Total (distribution de carburant). Electricité de France (EDF) va s’impliquer dans le barrage de Nachtigal, alors que CMA-CGM et Bolloré opèrent dans le secteur des transports. La France intervient aussi au Cameroun dans la structuration des filières agricoles, la grande distribution (Carrefour et d’Avril). Principal opérateur de la France au Cameroun, l’Agence Française de Développement (AFD) a pour particularité de financer des projets sur l’ensemble du territoire camerounais. En particulier, le troisième Contrat de Désendettement et de Développement (C2D), a pour ambition le développement équilibré des territoires, et à ce titre, les régions anglophones sont pleinement concernées.